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Pop à Paris : la jerk attitude


« Pour aller danser le jerk

Sur de la musique pop... »

En 1990, avec une astucieuse chanson, un inconnu, Thierry Hazard, remet à l’honneur, le temps d’une saison, une danse, un rythme, une mode, des couleurs, une « attitude »... Car c’est tout cela à la fois, le jerk ! Le jerk, qui est au centre de cette série de 5 CD intitulée « Pop à Paris », conçue et réalisée par Jean-Pierre Haie, assisté par Vincent Palmer pour la sélection des titres.

Chronologiquement, le jerk s’installe durablement en France à partir du milieu des années 60 (Cool Jerk par The Capitols, Papa’s got a brand new bag et I got you, par James Brown, In the midnight hour, par Wilson Pickett) en mettant fin à la succession de danses éphémères venues remplacer le twist (madison, hully gully, monkiss...). En 1966, Nino Ferrer s’impose avec ses jerks humoristiques (Mirza, Le téléfon, Oh ! hé ! hein ! bon !...), fortement imprégnés de rythm and blues américain (école Stax) et installe les bases de ce que sera partiellement la pop music à la française (Jacqueline Taieb : 7 heures du matin, Violaine : J’ai des problèmes décidemment).

Une autre branche de la pop française s’inspirera davantage du folk-rock américain (Dylan, Byrds), de la mode hippie et des groupes anglais qui tiennent le haut du pavé (Beatles, Rolling Stones, Them...). Cela donne des chansons qui se veulent « engagées » comme L’amour, pas la guerre (Claude Channes) et des groupes éphémères comme Les Fleurs du Pavot (Hippies nous voilà, Pourquoi l’amour à deux). Pendant quelques mois, la gué-guerre Johnny/Antoine (1966) va alimenter une réelle polémique et susciter de nombreuses « prises de positions » (Ronnie Bird et le politiquement incorrect Chante : « La musique a du bon lorsque l’on pense au fric »).

Les idoles yéyés se reconvertissent : Johnny Hallyday (À tout casser, Noir c’est noir, Mal), France Gall (Teenie Weenie Boppie, Bloody Jack, inédit). Plus proche de l’esprit Tamla-Motown (J’attendrai des Four Tops), Claude François est peu convaincant avec Hip hip bip hurrah, signé Gainsbourg, Eddy Mitchell, lui, revendique la fidélité au rock and roll des origines avec Et s’il n’en reste qu’un et fustige avec humour, au passage, tous les nouveaux venus au hit-parade (Christophe, Adamo, Hervé Vilard...).

Comme à l’époque du twist, des artistes de la chanson ou des variétés prennent le train en marche. Certains privilégient la mélodie, comme Marie Laforêt (Marie douceur, Marie colère, D’être à vous) ou Rika Zaraï (Une chanson pour mon amour), d’autres, tel Gainsbourg, captent mieux les sons, les gimmicks et l’air du temps (Qui est “in”, qui est “out”, Torrey Canyon, L’anamour). Eddie Constantine (Hey, Mr. Caution), Boby Lapointe (L’idole) ou Henri Salvador (Carnaby Street) tenteront aussi d’accomoder le jerk avec des bonheurs divers... Même Pierre Doris s’y met ! (J’ai pas eu peur, en duo avec une femme non identifiée). Et Fernand Raynaud avec Oh ! Eh ! Hein !, Quoi ! Et aussi André Verchuren avec un instrumental (Minet jerk). Frédéric Botton, lui, signera Nicolas, une chanson interprétée par une « petite punaise » du nom de Vetty.

La mode hippie, les fleurs dans les cheveux, le peace and love, le sitar indien traversent aussi ces années pop : France Gall (Chanson indienne), Alan Stivel, qui débute (Flower Power), Les Fleurs du Pavot (Dans ma garçonnière), Richard de Bordeaux et Daniel Beretta (La drogue)... Composé par Pierre Henry et Michel Colombier, Psyché Rock, le « jerk électronique » du groupe Yper-Sound illustre bien la musique psychédélique et la place grandissante des arrangeurs...

Le rythme domine sur ces 110 titres répartis sur 5 CD. Peu de slows ou de ballades. Exceptions : l’osé pour l’époque Je m’aime par Pascale Audret, la sœur d’Hugues Aufray, Le monde est gris, le monde est bleu d’Éric Charden, arrangé par Jean Bouchéty, L’amour à travers et à tort par Anna Saint-Clair...

Cette collection, qui remet sur le marché des dizaines de chansons introuvables depuis des lustres, témoigne des comportements d’une partie de la jeunesse et de ses aspirations. Une « attitude » où l’on retrouve pêle-mêle légèreté (soumission à la mode), dérision et esprit de sérieux (l’engagement)... « Pop à Paris » illustre une période bien précise de la chanson française « jeune », une période charnière qui va de la fin du yéyé à Mai 68. La pop « sérieuse » arrivera juste après (Julien Clerc, Manset et tous les groupes de la « deuxième génération » : Variations, Triangle...).

• 5 CD Universal ou compilation de 35 titres.

Article paru en octobre 2003 dans JE CHANTE n° 29.

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