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Pierre Barouh : « "La bicyclette" et "Des ronds dans l’eau", ce sont des chanson


J'ai écrit Vivre pour vivre, Des ronds dans l’eau et aussi des chansons comme Memphis Tennessee et D’accord, d’accord qui ont été d’énormes succès. La bicyclette et Des ronds dans l’eau, c’est directement des choses qui me viennent de mon enfance en Vendée. Ce sont des parfums de chemins creux, c’est la Vendée... Ces chansons ne sont pas des tubes, mais elles sont rentrées dans la mémoire populaire. Il y a très peu de gens qui savent que c’est moi qui ai écrit La bicyclette. C’est très bien comme ça, ça ne me dérange pas. L’histoire va vous amuser ! La chanson est sortie en mai 68 mais je l’ai écrite bien avant.

 
 

Je traînais à Saint-Germain-des-Près où j’avais plein de potes. À l'époque, un ami qui travaillait dans la publicité me dit un jour : « On fait une grande campagne sur le vélo, est-ce que tu veux nous écrire un texte ? » Pas une chanson, mais un texte, comme ça, juste pour me faire toucher 100 sacs ! Et moi je me suis drapé dans ma dignité en disant : écrire pour la pub, jamais ! Et pourtant... Un matin de printemps, en partant à pied chez Francis Lai, je traversais le Louvre. Inconsciemment, ce copain m’avait mis un poison dans la tête ! J’ai commencé à penser au vélo, à écrire la chanson dans ma tête, et elle est née comme ça, finalement.

Des années se sont écoulées, il y a eu Un homme et une femme. J’étais marié avec Anouk Aimée, et un été, on s’est retrouvé à Saint-Paul-de-Vence à la Colombe d’Or avec Yves Montand et on passait notre temps à jouer au poker ou à la pétanque. Un jour, entre deux parties de poker, on a vaguement parlé chansons, et je lui ai parlé de cette chanson. Et là, je me suis rendu compte que ce mec était un interprète, au sens le plus noble possible, parce qu’au départ, la chanson n’était pas la même. Le dernier couplet qui dit : « Quand le soleil sur l’horizon profilait sur tous les buissons... », ne figurait pas à l'origine. J’ai perdu ce que j’avais écrit, mais à l’époque, la chute c’était un mec qui revenait sur les lieux de son enfance en bagnole. Yves écoute la chanson et me dit : « C’est vraiment une chanson magnifique, mais la chute, ça ne devrait pas être ça. Ne laisse pas s’écouler le temps, raconte l’histoire d’une journée, va au bout de ton petit film... »

Je l’ai écouté, parce que j’aime bien écouter les gens, et grâce à lui, j’ai écrit cette fin qui est très belle. Mais j’ai pu vérifier à quel point ce mec qui se revendiquait comme interprète savait écouter et savait influer sur le travail de l’auteur. Cette fin que j’adore, je la lui dois. Et en même temps, du point de vue de l’écriture, on peut vérifier la valeur d’un mot. Ce dernier couplet dit : « Quand le soleil à l’horizon profilait sur tous les buissons nos silhouettes, on revenait fourbus, contents, le cœur un peu vague pourtant de ne pas être seul un instant avec Paulette, prendre furtivement sa main... », Vous voyez l’image du môme qui se laisse distancer pour effleurer la main de la fille... Dans le premier enregistrement qu’il a fait, Montand s’est gouré. Il n’a même pas changé des mots, il a inversé deux mots. Au lieu de dire : « de ne pas être seul un instant », il a dit « de ne pas être un seul instant », et sur une inversion de mots, l’image devient dix fois moins forte. Elle se réduit tout d’un coup, et je trouve ça fascinant. Seul un instant ou un seul instant, c’est pas pareil ! L’image est moins forte, et je le lui ai dit après. Dans la version studio, c’est un seul instant. Et à l’Olympia, il a rectifié. Il a remis seul un instant. C’est effectivement très différent.Il m’a dit : « Tu as raison, c’est plus fort », mais il s’était gouré !

 
 

Montand m'a aussi chanté une autre chanson, Pluie. À la télévision, il avait interprété Le Kabaret de la dernière chance, qu'il voulait enregistrer. Et il y a cette dernière, Pour que la mémoire du vent retienne nos chansons... S’il l’avait entendue, il aurait craqué. C’est pour ça que je la lui ai dédiée... J'avais rendez-vous avec lui le 13 novembre 1991 à 11 h du matin... La vie en a voulu autrement, mais je suis allé dans le bistrot à côté de chez lui, à l’heure où j’avais rendez-vous, place Dauphine. J’ai fait un petit mot, j’ai manuscrit cette chanson que je lui ai offerte avec une petite rose rouge, parce que ça me gonflait d’aller au Père Lachaise avec tous les voyeurs qui étaient là, avec la télé...

Propos recueillis par Raoul Bellaïche le 14 janvier 1992 à Paris

• Interview parue dans Je chante ! n° 8 (épuisé).

 

Discographie :

Yves Montand (30 cm Philips 6332.227), Pierre Barouh (30 cm Saravah "Viking Bank", SHL 1068), le quintet Indigo (CD "Quintet à voix", OMD CD 1530). Il y aussi la version américaine (On Bicycle), adaptation de David Mc Neil, chantée par Montand sur l'album "In English" (Philips, 6313.489, 1983). Il existe une version « détournée » de La Bicyclette, revue et corrigée par Jacques Le Glou dans une optique révolutionnaire post-soixante-huitarde. Ecrite en 1969, La mitraillette est interprétée par Jacques Marchais sur l'album "Pour en finir avec le travail" (Chansons du prolétariat révolutionnaire. Vol. 1). Editions Musicales du Grand Soir, distribution RCA en 1974. (Réf. FPL1 0054).

 

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