La chanson, Rika Zaraï la pratique déjà pendant son service militaire en Israël (elle est sergent-chef). Travaillant sur une comédie musicale intitulée 5 sur 5 – « l'histoire d'amour de cinq soldats et cinq jeunes filles dans un moshav » –, destinée à divertir les troupes, elle fait la connaissance du chef d'orchestre Yohanan Zaraï qu'elle épousera en 1958. Rika se familiarise avec la chanson française chez un disquaire de Tel Aviv. Elle enregistre bientôt un disque pour enfants puis Le Fiacre d'Yvette Guilbert en hébreu.
« Ce grand amour pour la chanson française débute lorsque je découvre sur une pochette la bouille toute ronde, un regard coquin et une épaisse moustache, un certain Georges Brassens, écrit‐elle dans son autobiographie (L'espérance a toujours raison, Michel Lafon, 2006). En écoutant L'Auvergnat, je suis littéralement subjuguée. Sans que je comprenne un seul mot, le son de sa voix et sa musique m'envoûtent. Un ami parlant français m'en traduit chaque parole, je mets au point l'adaptation israélienne et cours en studio l'enregistrer. » Sa version est un succès, elle rêve de pouvoir rencontrer l'auteur...
À Midi Première, le 9 mars 1976
D'autres vedettes de la chanson française la passionnent : Mick Micheyl, Mouloudji, Montand, Gréco... Leurs disques passent en boucle chez elle. « Je sens le charme de la France planer entre mes modestes murs »...
Bientôt, un impresario lui fait entrevoir un engagement en France, à l'Olympia... À 22 ans, elle et Yohanan débarquent à Paris, mais les choses ne se passent pas comme prévu : Bruno Coquatrix, qu'elle réussit à aborder, n'est au courant de rien ! Il consent à l'écouter chanter quelques chansons a cappella et l'invite à revenir lorsqu'elle aura un répertoire en français... Rika renonce à retourner en Israël et connaît une période de vache enragée. Après avoir fait le siège des disques Barclay, elle auditionne avec des chansons en hébreu et avec Le petit chemin de Mireille, « la seule en français que je connaisse de bout en bout ».
Séduit par sa voix, Léo Missir, l'un des directeurs artistiques de la maison, lui offre un engagement sur le label Bel Air. Entre 1959 et 1965, Rika Zaraï enregistrera une quinzaine de 45 tours sur le label Bel Air. Exodus, Tournez manèges, Michaël sont quelques-unes des chansons marquantes de ses premières années en France.
Le label ayant fait faillite, elle signe en 1966 avec les disques Philips où elle connaîtra ses plus grands succès. Sept albums de cette période qui va jusqu'en 1982 sont ici pour la première fois réédités intégralement, l'occasion de redécouvrir le répertoire d'une chanteuse trop souvent réduite à quelques tubes festifs !
"Prague", à la télévision, le 20 avril 1967.
« Je n'appartiens pas à la nouvelle vague ni au peloton d'auteurs-compositeurs, reconnaît Rika, j'écris certaines de mes chansons, mais, n'appartenant à aucune école, je suis plutôt un électron libre. D'ailleurs, je me sens solitaire, faisant du mieux que je peux et ce que j'aime : les chansons populaires. Je ne suis pas une chanteuse à la mode, ce qui me permet d'être libre et d'écouter mes envies. »
Chronique publiée dans JE CHANTE MAGAZINE n° 17.
Présentation du coffret par Matthieu Moulin :
Et dans JE CHANTE MAGAZINE n° 9/10 (2013) :
La collection « Tendres années », co-éditée par Universal et Marianne Mélodie, vient de faire paraître une compilation en deux CD de Rika Zaraï, qui reprend, pour la première fois dans leur version originale, les enregistrements de la chanteuse franco-israélienne. « Anthologie 19611982 », soit 48 titres, de ses débuts sur le label Bel Air (Hava Naguila, Roméo, Salvame Dios, Tournez manèges, Michaël...) à Alléluia, adaptation du grand prix israélien à l’Eurovision 1979, en passant par ses grands succès populaires des années De Gaulle-Pompidou-Giscard : Casatchock, Alors je chante, Balapapa, Tante Agathe, C’est ça la France, Moi le dimanche (adapté de Mazel Tov, standard des mariages juifs), Sans chemise, sans pantalon...
Au-delà de ses tubes festifs, on découvrira de jolies chansons, comme Tu m’invites à la fête, Depuis que mon frère est parti, Prague, Un beau jour je partirai, Jérusalem en or, Trois perles de pluie, Un mur à Jérusalem, 21, rue des amours, Les jolies cartes postales, Qu’elle est belle...
Et des curiosités comme cette adaptation en 1974 d’un thème de jazz humoristique du trompettiste Roy Elridge de 1950 (Une petite laitue), sous le titre... La mayonnaise, en duo avec Jean Renard !
• Collection « Tendres années », Marianne Mélodie.
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