top of page

Michelle Senlis et Claude Delécluse : le duo le plus méconnu de la chanson française !


Nous venons d'apprendre, via Facebook, la disparition de Michelle Senlis le 21 juillet 2020. En hommage à ce grand auteur de chansons, qui a rejoint sa compagne Claude Delécluse, nous publions en ligne l'interview qu'elle nous avait accordée en 1994.

Auteurs à succès pendant plus de vingt ans, Michelle Senlis et Claude Delécluse apparaissent dans le milieu de la chanson à partir de la deuxième moitié des années 50 avec, coup sur coup, deux « tubes » pour Édith Piaf : C’est à Hambourg et Les amants d’un jour. Sollicitées par la plupart des interprètes du moment, elles alignent les succès : Jenny la chance pour Patachou (1955), Sans l’amour de toi pour Michèle Arnaud (1957), Y’avait Fanny qui chantait pour Hugues Aufray (1959)... La rencontre de Jean Ferrat, qui enregistre Deux enfants au soleil (de Claude Delécluse) va être décisive. Suivront Les Nomades, Mes amours, L’homme à l’oreille coupée, C’est beau la vie, Raconte-moi la mer... Troisième rencontre importante : Jacqueline Dulac, en 1966, pour qui Claude écrit Lorsqu’on est heureux, Venise sous la neige, Les chevaux... Au total, près d’une cinquantaine de chansons à elles deux. Rencontre avec Michelle Senlis pour évoquer le duo le plus méconnu de la chanson française !

JE CHANTE ! — Avant d’être auteur de chansons dans les années 50, ce que vous faisiez était proche de la chanson ? MICHELLE SENLIS. — Oui et non; j’aurais, sans doute, voulu être écrivain; je pensais beaucoup à l’écriture. D’ailleurs, je tiens un journal — mais comme tout le monde — en fait, plutôt trois : un quotidien, un journal de peinture et un journal de médecine ! Au début, afin de gagner ma vie, j’ai fait des études qui n’ont rien à voir avec la chanson. Des études de mathématiques, de droit, et de dessin pour le plaisir. Pendant toutes ces années, je n’ai pas voulu subir l’aléa de la vie d’auteur de chansons. J’avais un père qui commençait à avoir des difficultés de santé et je ne voulais pas être à la merci d’une quelconque difficulté matérielle. Nous avions pourtant déjà fait des succès, Claude Delécluse et moi, mais nous avons toujours pensé que ça n’allait pas durer. Nous étions à la fois passionnées, fascinées par la chanson, pas pessimistes, mais sans doute lucides. En fait, je ne sais pas puisque nous aurons quand même écrit des chansons durant plus de vingt ans !

Comment avez-vous rencontré Claude Delécluse ? D’une façon tout à fait banale, par des clubs littéraires. Chacune attachée à l’écriture, à tous les grands poètes, les vrais auteurs de chansons. On s’est rendu compte qu’on aimait les mêmes choses, qu’on avait souvent envie de dire les mêmes choses;  alors, on a pensé : essayons de faire des chansons ensemble. Je ne sais plus qui a eu l’idée au départ. Moi, j’avais déjà rencontré des interprètes de la chanson comme Patachou, qui m’avait encouragée puis qui m’a fait l’honneur d’un bel article. J’ouvre un journal, qu’est-ce que je vois ? Mon nom ! Ça fait quand même un choc quand on n’est pas blasé ! Patachou nous a fait une seule chanson; nous ne savons si c’est la meilleure mais, en tout cas, elle s’est baladée jusqu’au bout du monde; témoin ce que rapporte le bel écrivain-voyageur suisse, Nicolas Bouvier, dans sa Chronique japonaise, remarquable livre. Après, nos routes ont un peu dérivé avec Patachou parce que nous avons travaillé avec un compositeur qu’elle n’aimait pas du tout à cause de ses idées !

Votre première chanson enregistrée, c’est laquelle ? C’est à Hambourg. La première enregistrée, la première chantée sur scène, la première à succès, et quel succès ! National et international... Nous avions fait le texte, Claude et moi, et nous avons pensé la proposer à Germaine Montero. Montero a demandé à Marguerite Monnot de faire la musique. La suite, on la connaît. Marguerite Monnot faisant toutes les musiques de Piaf, ce qui devait arriver arriva et nous avons reçu un télégramme nous demandant de venir Boulevard Lannes. Je me souviendrai toujours de ce fameux dimanche... Il y avait un monde fou dans le salon. Piaf sortait d’un cinéma où elle avait vu, pour la énième fois, Tant qu’il y aura des hommes. Elle nous a entraînées dans sa chambre, plus au calme, et là, elle nous a dit : « Voilà, la chanson est superbe, elle me plaît, mais ça m’ennuie que vous commenciez à chaque fois par “C’est à Hambourg au ciel de pluie...”et que tous les refrains ne soient qu’une énumération de villes... » Alors là, dans l’innocence de la vraie jeunesse, Claude Delécluse et moi avons dit : « Justement, ça, on ne le changera pas. C’est tout le climat de la chanson. » Elle a semblé réfléchir et elle a conclu : « On se reverra. »

Elle vous impressionnait, Piaf ? Oui, et en même temps, elle nous a beaucoup impressionnée après. Cela dit, des débutants sachant ce qu’était Piaf et ce qu’elle représentait en droits d’auteur auraient-ils eu notre réaction ? Enfin, tout s’est arrangé et si nous avons fait une version Piaf, le nouveau texte ne comporte aucune modification quant à ce à quoi nous tenions. Simplement, nous sommes tombées d’accord avec Piaf pour rendre le thème amoureux un peu plus charnel. Ce fut le dernier 78 tours de Piaf, introuvable. Nous en avions deux exemplaires, on nous les a volés ! Mais « la chute », dans toute l’histoire, c’est le commentaire de Piaf, qui nous a dit après : « Vous aviez raison, il ne fallait pas changer ça... » C’était quelqu’un de tellement passionné... On pourrait assez difficilement trouver ça aujourd’hui. Il est vrai qu’il n’y a plus d’interprètes à part entière. En plus, pour tout arranger, Piaf n’avait pas une tendresse particulière pour les femmes ! On cite Marguerite Monnot, bien sûr, mais parce qu’elles avaient entre elles des copineries, des partages de liaisons masculines. mais elle n’était pas, a priori, favorable à l’écriture des femmes. En revanche, à un certain moment, la chanson balayait toutes les réticences.

Marguerite Monnot faisait de belles musiques, très subtiles... Oui, et en même temps très fortes, très viriles. C’était un grand compositeur. Certains essaient ou croient la copier mais ils n’en saisissent que l’apparence. Voilà donc comment ça a démarré pour nous avec l’énorme à l’Olympia.

Piaf a cité votre nom, comme c’était la tradition ! Oui, même elle qui avait écrit tant de chansons : La vie en rose, Hymne à l’amour, pour ne citer que des standards, n’oubliait pas les auteurs ! C’était l’époque où les interprètes ne se considéraient pas forcément concernés dans l’écriture d’une chanson. D’une part, ils ne couraient pas le droit d’auteur, d’autre part, ils avaient une telle force en eux que la chanson devenait leur chanson. Juliette Gréco, Catherine Sauvage, on peut citer pratiquement tous les interprètes et pas des moindres ! Ils savaient bien que la personne qui allait dominer le public — et c’est logique — était celle qui se trouvait sur scène. Et, comme au théâtre, si l’on est un peu curieux, sachant le nom de l’auteur, on va chercher plus loin, pour le lire, le connaître... C’est donc doublement maladroit, parce que tout à fait inutile, de nier les auteurs...

C’est à Hambourg est devenu un succès, international aussi. Oui, un très gros succès, et un succès international aussi. Ça a été traduit aux Etats-Unis. Ils ne pouvaient pas garder le titre C’est à Hambourg, alors, ça s’est appelé Rive gauche, Left banke, c’est très curieux...

Interprété par qui ? Oh, il y a eu des tas de gens qui l’ont interprété. Moi, je suis incapable de citer tous les interprètes français que nous avons eus, il y en a beaucoup. Aux Etats-Unis, il y en a eu beaucoup, l’Allemagne, la Scandinavie, tous les pays... Ça a été un très, très gros succès.

A partir de ce moment-là, vous avez été connues comme auteurs à succès et on a commencé à vous solliciter... Effectivement, on nous a sollicitées. C’était une belle et bonne période où lorsqu’on avait fait un succès, celui-ci revenait en boomerang, non seulement comme je le disais, pour l’interprète, mais aussi pour les auteurs.

Qui d’autre vous a pris des textes, alors ? Tous les interprètes entre les années 1955 et 1960, tous sauf un : Yves Montand. Pourquoi ? Vers les années 60, Montand s’est intéressé à six ou sept chansons dont nous avions fait les textes, ensemble ou séparément. Nous n’avons pas su tout de suite pourquoi ça ne s’était pas fait. Ce sont des années après que j’ai appris que Montand voulait des modifications dans les musiques et, peut-être, une co-signature avec un autre compositeur. Le compositeur d’origine a refusé (j’aurais pu faire pareil en 1974 !). Je ne conteste pas l’attitude du compositeur « refusant », mais nous aurions pu être informées, d’autant que nous avions rencontré, seules, Canetti et Montand place Dauphine... C’est marrant, quoi !

Ce sont des chansons qui ont été interprétées par la suite ? Oui.

Parlons de Jean Ferrat. Comment l’avez-vous découvert ? Attendez, revenons un peu sur Piaf. Après C’est à Hambourg, nous avons tout de suite enchaîné sur un autre grand succès : Les amants d’un jour. Piaf redoutait un peu le propos « suicide » mais, toujours fidèle à sa passion, aimant la chanson, elle l’a enregistrée après l’avoir d’abord chantée aux Etats-Unis, au Carnegie Hall.

La version italienne s’appelle Albergo a ore. Je la connais par Milva. Oui, Milva l’a chantée, mais c’est Herbert Pagani qui en avait fait l’adaptation italienne. Albergo a ore , c’est-à-dire l’hôtel d’une heure, quoi. Et ça a été aussi un gros succès aux Etats-Unis. Edith Piaf, d’ailleurs, l’a créée, en premier, aux Etats-Unis. En français. Lors d’une tournée au Carnegie Hall. Et elle avait eu beaucoup d’échos, une répercussion très forte. Et c’est bien après qu’elle l’a créée en France.

Est-ce qu’elle a une histoire, cette chanson ? Et le verre cassé ? Édith Piaf a eu souvent des idées de « mise en scène ». Pour C’est à Hambourg, elle avait l’idée de jouer avec sa robe plissée comme d’un accordéon... C’était quelque chose de très visuel. Ses idées n’étaient pas toujours très heureuses, mais elle en avait parfois qui étaient très bonnes. Pour ce qui nous concerne, à chaque fois, ça a été une belle idée. Pour Les amants d’un jour, elle commençait à essuyer le verre et c’est à la fin de la chanson qu’elle le cassait. Et cette idée a fait choc, et on l’entend d’ailleurs dans le disque. La troisième chanson qu’elle nous a interprétée est Comme moi. Une chanson que j’aime beaucoup, mais pas tout à fait pour elle. Trop intimiste avec elle pour faire un gros succès. Ses chansons intimistes n’ont pas beaucoup marché. Ce ne sont pas celles que l’on retient d’elle. Une chanson que j’ai dans la mémoire est Cri du cœur, texte de Prévert, musique de Crolla. Très beau, mais ça n’a pas marché. Prenez Le Chevalier de Paris, une très  belle chanson qui n’a pas marché en France et qui a marché aux Etats-Unis. Mais là, il y avait un propos un peu médiéval qui était, je pense, un peu difficile pour Piaf qui était quelqu’un de terriblement Français dans son époque. Ce décalage a peut-être joué. Mais on cherche des explications et il n’y en a peut-être pas !

Enfin, il y a eu Ferrat... Ferrat avait enregistré un disque que nous avions remarqué en radio. Textes de Pierre Frachet : Ma môme et Regarde-toi Paname. Nous avions, Claude et moi, été intéressées. Cela nous changeait de Ferré avec qui nous nous avions fait deux chansons. J’aimerais évoquer Ferré.

Vous lui avez présenté des textes ? Il a mis en musique deux de nos textes dont La belle amour enregistrée par Catherine Sauvage. On ne voit pas Ferré mais moi, je l’aime ! J’adore Ferré parce que, déjà, c’est quelqu’un de très généreux. J’aime son côté artiste jusqu’au bout et si désintéressé. A l’époque de La belle amour, Ferré avait un petit atelier d’imprimerie, boulevard Pershing. Il a tiré le petit format et nous l’a envoyé en même temps que le bulletin de déclaration. Nous avons eu la joie — que dis-je ? l’’immense joie — de voir : « Propriété des auteurs 50/50 », alors qu’il avait sorti son papier à musique, passé son temps, montré la chanson à Catherine Sauvage... Bref, où et quand retrouver ça ! Sur le plan artistique, si j’aime tant Ferré, c’est qu’il me rappelle Piaf dans cette passion mise dans tout. Il peut se tromper mais un grand artiste a bien le droit de se tromper. De toutes façons, l’erreur n’est jamais du temps perdu.

Vous connaissez des artistes qui auraient eu la réaction inverse : j’ai peur de faire cette chanson, qu’est-ce que ça va me rapporter ? Hélas, trop ! Ce qui console, c’est que, souvent, ce ne sont pas les plus grands ! Mais revenons à Ferrat... On a écouté ce disque et on a trouvé que sa voix était très intéressante. Sur le plan musical, Ma môme était plus évidente que Regarde-toi, Paname. Mais ça, c’est normal lorsque quelqu’un commence. Qui n’a pas subi quelques influences ? Tout le monde subit des influences, l’essentiel, c’est de les digérer pour acquérir, si possible, sa personnalité. C’est ce qui lui est arrivé, d’ailleurs. Nous nous sommes mises en rapport avec lui et nous lui avons proposé des textes. Claude, d’abord, avec le fameux Deux enfants au soleil. Il est bien évident que cette chanson a été la première grande chance de Ferrat. Il est passé à l’Alhambra avec Zizi Jeanmaire en avril 1962 et ça a tout de suite été un grand, un très grand succès qui l’a propulsé « vedette » d’un seul coup. D’autant qu’à l’époque, la chanson dite « d’été » n’existait pas.

Justement, je voulais vous poser cette question. Deux enfants au soleil a été le premier slow d’été, la première chanson de plage ? Effectivement, ça n’existait avant. D’ailleurs, jamais Claude Delécluse n’a pensé une seconde qu’elle était en train de faire une chanson d’été. Elle était loin d’imaginer qu’il allait y avoir ensuite des chansons d’été... tous les étés ! On peut lire, avec stupéfaction, la multitude de titres qui prétendent avoir été la première chanson d’été... Les bulletins de dépôt SACEM pourraient attester le contraire ! Il y a eu, là aussi, des calculateurs légèrement moins innocents que Claude. Avant Deux enfants au soleil, le « slow de l’été » n’existait pas. Cela dit, je crois que maintenant, ça a disparu de nouveau.

Deux enfants au soleil était donc destinée à Ferrat ? Pas du tout ! Aucune de nos chansons n’était destinée à quiconque au départ. Même pour Piaf. On faisait des textes, quand on trouvait que le textes était fini, alors on pensait au compositeur, à l’interprète. L’histoire Ferrat-Deux enfants au soleil n’est qu’un accident heureux pour tous, y compris pour l’éditeur, complètement débutant !

A propos de cette chanson, une question que j’aurais posée à Claude Delécluse qui en est l’auteur, mais vous pourrez peut-être répondre pour elle. deux enfants au soleil pourrait n’être qu’une simple « chanson de plage », mais elle en a élargi le thème, elle lui a donné une autre dimension. On trouve beaucoup de connotations qui évoquent la création du Monde : « La même innocence », « C’était comme s’ils venaient au monde dans le premier matin du monde », « Et c’est comme si tout recommençait »... Cette allusion à Adam et Eve était voulue ? Claude Delécluse est quelqu’un de très attaché aux sources, au Cosmos, à l’Univers... Dans beaucoup de ses chansons, ça se retrouve. Raconte-moi la mer, par exemple : besoin d’espace, d’infini, d’une grande respiration...

Toujours à propos de cette chanson, on peut parler de l’érotisme aussi, chose qui n’était pas évidente à l’époque : « Les cheveux défaits », « Le baiser chaud sur leur bouche tendre »... Je ne crois pas qu’il s’agissait d’érotisme. Un lyrisme, une sensualité plus qu’une sexualité, me semble-t-il, si tant est que la sensualité puisse précéder l’érotisme. Personnellement, c’est ce que je ressens.

Ça été un énorme succès. Qui, à part Ferrat, a chanté Deux enfants au soleil ? Isabelle Aubret, Michèle Arnaud, beaucoup d’autres...

Est-ce qu’elle a été adaptée en d’autres langues ? Je sais qu’elle a eu beaucoup de succès dans des tas de pays. Adaptée, je ne peux pas vous répondre.

Dans les chansons que vous faites en commun avec Claude Delécluse, quelle est la part Senlis et quelle est la part Delécluse ? Comme on se le demandait pour Lennon et McCartney... Impossible, impossible à déterminer. Nous avons toujours voulu continuer à faire des chansons ensemble, ne serait-ce que pour des raisons sensitives. Ça ne nous a pas trop mal réussi. Alors, dire la part de chacune... Même si on le savait — en fait, on ne le sait pas —, on ne veut pas le savoir, c’est sans importance. Je vais prendre l’exemple de C’est beau la vie. C’est Claude qui avait trouvé le titre et qui, un jour, voyant Isabelle Aubret après son accident, lui a dit : « C’est beau la vie, quand même ! »C’est tout. Et c’est resté là. Et en rentrant, je dis à Claude : je t’assure, je crois que c’est une chose à faire, je crois qu’il faut faire une chanson là-dessus, c’est vraiment très beau. Et voilà. En fait, la chanson est partie de ça. Elle a eu l’idée du titre, et après, je ne sais plus comment le texte a été fait, mais enfin, les virgules qui appartiennent à l’une ou à l’autre, on ne va pas se les revendiquer ! On a eu trop de bonheur à écrire ensemble !

Vous écrivez facilement ? Le départ, c’est une phrase, un thème, une idée ? Comment ça se passe pour vous ? Ça peut être une phrase, un choc, une idée... Facilement ? Je crois que Claude écrivait un peu avec difficulté et c’est justement aussi une vertu. Je crois que j’écrivais, je ne vais pas dire avec facilité, mais plutôt que j’avais des facilités pour écrire. J’ai d’ailleurs compris beaucoup plus tard à ne pas me défendre de ce que j’appelais « l’écriture automatique », terme que Claude contestait à juste titre. En fait, ce que je croyais être l’écriture automatique n’était rien d’autre que d’avoir emmagasiné dans la mémoire des émotions. C’est ainsi que j’ai écrit Les nomades en un quart d’heure mais j’y pensais depuis... deux ans !

Vous qui vivez à l’écart de la chose publique, du show business, comment voyez-vous le métier aujourd’hui ? Je pense, du moins je veux l’espérer, que les artistes sont peu concernés. Que ce sont plutôt les marchands qui trafiquent tout. Cela dit, à la limite, je pense qu’un artiste peut faire des concessions au départ pour s’imposer mais qu’il est essentiel qu’il retrouve, a posteriori, son intégrité. L’important n’est pas uniquement de « faire du chiffre » mais de constituer un catalogue. A moins que je soies en pleine utopie ! Dans les choses qui durent et qui vont durer, il semble bien que ce soit les Souchon-Voulzy. Ça fait vingt ans qu’ils sont là et on peut encore parier sur eux. D’autant que leur langage, tant musical que texte, est très personnel. Je me souviens d’une chanson de Souchon, L’amour 1830. Il avait fait la Rose d’or d’Antibes, si ma mémoire est bonne, et je l’avais tout de suite remarqué. Par la suite, il n’a cessé de s’affirmer. Duteil aussi, mais là, le langage est plus classique, ce qui n’empêche que Duteil a réussi à s’imposer en pleine Lambada. Alors ? Alors, aux producteurs d’avoir les idées et la vue moins courtes. L’éditeur Del Duca l’a bien fait en publiant, d’un côté, de beaux livres sur l’art et, de l’autre, des fadaises, genre de « littérature » pour « bonnes femmes ». Il avait essayé une sorte d’équilibre. A l’époque, je le critiquais, ça me semblait manquer de noblesse. Aujourd’hui, je trouve qu’il avait raison. Finalement, l’argent gagné dans quelque chose de... « infâme » se retrouve « ennobli » — ou anobli — par le propos dans lequel il ne gagnait pas d’argent. Donc, c’était quand même redonné à des créateurs. Alors, est-ce qu’on ne pourrait pas aujourd’hui faire la même chose pour la chanson ? Pourquoi ne pas avoir des petites choses charmantes, sans aller jusqu’à la vulgarité, qui plairaient au public facilement, qui dureraient deux-trois mois, et, en parallèle, un beau catalogue de créateurs, d’auteurs-compositeurs et/ou interprètes ? Ça peut se faire, ça. Et ils y gagneraient parce que, plus tard, ils auraient un catalogue qui resterait un patrimoine français, quelque chose qu’on peut toujours ressortir. Quand on pense à toutes les belles chansons qui existent, qui ont existé, on se demande ce qui va rester de notre époque ? Pour ma part, s’il n’y avait pas eu des chansons comme Le doux caboulot, je ne sais pas si j’aurais eu envie d’écrire pour la variété. Quelle délicieuse chanson, populaire sans une once de vulgarité : texte de Carco, musique de Larmanjat. Accord parfait devenu un classique. Espérons que les Souchon et autres inspireront de futurs auteurs !

Mon vieux, vous l’avez écrite pour qui ? Pour personne ou, alors, pour moi ! Comme toujours, sans préméditation. J’ai écrit le texte avec son titre prépondérant en 1962. Ferrat a fait la musique en 1963.

Il n’a pas envisagé de la chanter lui-même ? Je ne sais pas, mais dans le genre cruel, cette chanson tient une belle place. D’abord, parce que, toujours à propos de Ferrat, C’est beau la vie a été mis en musique le jour même du décès de mon père, le 7 novembre 1963. A partir de cette disparition, j’ai souhaité que Mon vieux ne soit plus exploitée. D’ailleurs, je refusais toute conversation, tout courrier à ce sujet. Moi, je ne voulais plus la voir sortir cette chanson, parce que, pour moi, c’était quelque chose de très sensitif. Je ne sais pas comment je l’aurais écrite. J’y ai mis beaucoup de sincérité. Je sais que c’est une chanson populiste, au bon sens du terme. Je ne renie pas du tout mon texte, je l’aime tellement qu’il m’a fait souffrir... Et je ne voulais plus entendre parler de cette chanson. J’avais dit à l’éditeur que je ne voulais pas qu’elle sorte. Je n’ai pas dû crier assez fort puisqu’on se retrouve, en 1974, avec une co-signature Daniel Guichard. La co-signature n’étant pas l’essentiel de mon « reproche » (reproche, le mot est faible !), j’ai eu tort mais j’ai... signé ! Non ! ce que je conteste, c’est le fait que tous m’aient caché que, sans mon accord, la chanson était chantée sur scène dès 1973, avec des paroles retouchées. Qu’on ne vienne pas me dire le contraire, j’ai des preuves, mais je les ai eues plus tard ! Par la suite, d’une part, « la fausse filiation » de Daniel Guichard étalée à longueur de journaux et, d’autre part, un certain article qui va même jusqu’à rapporter que les phrases qui manquaient à mon texte – « Dans son vieux pardessus rapé / Il s’en allait l’hiver, l’été (...) / Mon vieux » – étaient dues à la plume de Daniel Guichard, un peu fort quand même !!! Enfin, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase aura été l’article de Télé 7 jours. Télé 7 jours, en outre, qui a refusé de faire la mise au point qui aurait sans doute évité « une certaine suite ». Les journalistes ne rapportent que ce qu’on leur dit — n’en n’êtes vous pas une preuve vivante ? —, à plus forte raison les attachés de presse ! Et, que je sache, on n’a jamais interdit à Bécaud de citer Delanoë, Amade ou Vidalin !!!

Le succès ? C’est d’arriver sans doute au bon moment. La même chanson peut très bien ne pas faire de succès à un moment donné et, parfois, plus tard. Exemple, avec Francis Lai. J’ai fait le texte Comme des enfants, enregistré par Fabienne Thibeault. Le disque est formidablement réussi, eh ! bien, ça n’a pas beaucoup marché en France. Il faudrait peut-être le reprendre. Je constate d’ailleurs, lors d’interviews à l’étranger, qu’elle est plus connue hors de nos frontières.

Francis Lai a fait des musiques superbes... Il est doué. Lorsqu’on est heureux par Jacqueline Dulac, c’est lui. Venise sous la neige, c’est encore lui, ou On pleure le matin, encore une belle chanson qui n’a pas fait de succès. Jacqueline aussi a fait des musiques. Elle en a fait une très belle avec Claude Delécluse, Les oiseaux d’Amsterdam. C’est très beau ça ! Je crois même que c’est une de ses plus belles musiques. Elle a eu, avec Claude, des envolées... Toutes les deux, elles ont eu des choses qui sont absolument intemporelles.

Vous avez également écrit pour Jacques Hustin, chanteur belge et méconnu... Là encore, mauvais moment. Injustice ? Il avait fait des chansons avant que je le connaisse. L’une d’entre elles avait très bien marché : On m’a donné quinze ans, écrite par un Belge, Alain-Guy Jacob, je crois. Et cette chanson avait, en France, un départ très bon. On s’est rencontrés par le hasard d’une maison de disques, Pathé Marconi, où il enregistrait à ce moment-là. Il avait beaucoup de talent de compositeur et d’interprète. On a fait ensemble une vingtaine de chansons — Berlin, Le vieux berger, La forêt bleue, Je t’apprends par cœur, L’été de notre vie, Mais qui sont les sauvages ?, etc. — toutes que j’adore : dans les oubliettes !

Elles ne sont pas connues... Mieux en Belgique ou dans d’autres pays francophones où certains réalisateurs de radio m’en récitent des passages entiers ! Quand il a fait son Olympia, du temps de Bruno Coquatrix, Jacques Hustin avait la possibilité de chanter quatre chansons. J’ouvre une parenthèse : à la première, on avait fait une erreur de tir en commençant avec une chanson qui n’allait pas du tout à Jacques parce que c’est une chanson d’humour agressif. C’est une chanson que j’avais écrite, qui s’appelait Le cosaque et qui démysthifiait un peu l’idée qu’on se fait du cosaque, une sorte de monstre... On avait voulu prendre le contrepied, mais on ne l’avait pas pris comme il fallait... Il aurait fallu un Rebroff, quelqu’un de rabelaisien. Les trois autres chansons étaient de nous deux aussi. Après, on a rectifié le tir en la remplaçant par Le vieux berger, une chanson très belle dont j’ai fait le texte, et les autres chansons s’enchaînaient d’une façon parfaite. Et il a fait un très bel Olympia. Et tous les professionnels avaient été unanimes. On était sûrs que c’était parti.

Vous croyez qu’il y a une part de chance : arriver au bon moment ? Tout à fait. Le talent est très important et la chance vient le récompenser...

Vous avez aussi écrit pour Dalida. Quelques chansons, dont celles du film d’Autant-Lara, Les Régates de San Francisco. Une des rares fois où nous avions mis le texte sur une musique, la musique de René Cloerec. La chanson s’appelait C’est un jour à Naples. Ça n’a pas beaucoup marché, mais pour le disque, ça a été le pactole : nous étions au dos des Enfants du Pirée et nous avons été « tirées » par ce titre. Mais nous avons eu le grand bonheur, avec C’est à Hambourg, de tirer la superbe chanson de Dréjac et Sauguet : Les Forains, très belle chanson qu’a enregistrée Piaf mais qui n’a pas eu un sort heureux. C’est à Hambourg a « entraîné » cette chanson et c’est très bien. Et ça, ça rejoint ce que je vous disais à propos de Del Duca. Et pour Dalida, après C’est un jour à Naples, il y a eu Justine. C’est une chanson à laquelle je suis très attachée. Elle est relativement récente, 1974 ou 75. C’est le moment où Dalida a commencé à basculer dans un autre répertoire, avec Avec le temps, de Ferré, et d’autres chansons, où elle a souhaité ne plus être une chanteuse « légère ». Justine est une très belle chanson, malheureusement, ça n’a pas fait de succès.

Mireille Mathieu aussi vous a chanté... Oh, une seule chanson... Quelque chose de merveilleux, non plus, n’a pas fait de succès. François Rauber avait fait la musique. Est-ce que ça a été assez soutenu ? Je ne sais pas.

Plus souvent pour Isabelle Aubret. Elle avait mon âge, cette chanson qui évoque Françoise Dorléac qui venait de se tuer... J’aime beaucoup. C’est une chanson qui concernait, à la fois, trois personnalités : Françoise Dorléac, Nicole Berger et Jane Mansfield, toutes trois disparues à la même période. J’avais été frappée par ce moment tragique et la musique, qui est de Ferrat, est très belle. C’est une très belle chanson.

Le bonheur... Le bonheur avait représenté Monaco à l’Eurovision en 1966. La chanson est très belle, Isabelle l’avait très bien chantée. Et cette année-là, Tereza, illustre inconnue aujourd’hui, qui est arrivée en premier et qui a coiffé plusieurs chansons au poteau — nous étions deuxième ou troisième, je ne sais plus. Et pourtant, cette chanson aurait dû aussi faire un succès. La musique était de Ferrat aussi.

Régine ? Régine, c’est autre chose. Je ne pense pas que Régine puisse faire un grand succès populaire. Nous avons eu, avec elle, deux chansons. L’une, Les cafés, que j’aime beaucoup à cause de certaines subtilités, l’autre, Encore un verre chez Lily, qui est énormément passée en radio. Mais je pense que les meilleures réussites de Régine se situent dans Les petits papiers, par exemple. Tiens, une chose qui me frappe, on est toujours dans les boissons avec Régine : les cafés, encore un verre ! Régine, c’est un peu différent. C’est quelqu’un qui, à mon avis, ne fera jamais un succès. Ce n’est pas méchant ce que je dis là. Je pense que pour elle, les chansons ne doivent pas être forcément au départ à type populaire. Ça rejoint ce que je pense de Juliette Gréco. A mon avis, il ne faut pas qu’elles prennent des chansons qui sont d’emblée populaires, parce que, pour des raisons X, leur popularité n’est pas là. Régine a une représentation de personnage mondain. Donc, il faut que ce soit légèrement snob, qu’il y ait un peu d’intellect là-dedans. Voilà, Les petits papiers, de Gainsbourg, c’était tout à fait une chanson pour elle. Même si Régine est une femmes très en prise dans la vie. Mais pour le public, elle n’est pas ça, à mon avis. Alors, les deux chansons que j’ai faites avec Marc Heyral, Les cafés et Encore un verre chez Lily, là, on a cru que ça allait faire un succès phénoménal. Toutes les radios l’ont passé. Mais c’était encore trop évidemment populaire pour elle. Ce qui est curieux, c’est qu’on est dans les boissons à chaque fois avec elle ! Pour être franche, je préfère le texte des Cafés, où il y a des petites subtilités qui étaient intéressantes.

Pour Francesca Solleville, vous avez écrit deux chansons. L’une d’elle parle de la guerre d’Irlande. Oui, Sachez qu’on m’appelle Mary. Je ne l’écrirais plus aujourd’hui. Plus rien sur les guerres, les idées... Quant aux grands thèmes humanitaires, ils ont été trop torpillés ! La musique de Mary est d’un grand compositeur, Milchberg.

Pour Eva, il avait fait pas mal de musiques. Il a fait aussi Sauvage et tendre Mexico.

Pour Gréco, vous n’avez écrit que deux chansons ? Pour Gréco, nous étions, là aussi, d’une part, trop populaires — au bon sens du terme — et, de l’autre, trop simples. Pas assez de textes à double, voire triple, sens, genre Les pingouins. Ce n’était ni notre mode, ni notre désir d’expression. Cela dit, nous regardons toujours Juliette avec un grand plaisir. L’émission d'Averty a été très réussie. Là, c’est encore très curieux parce qu’on se connaissait bien avec Juliette. A l’époque, Je pensais que pour elle, Claude et moi, nous étions trop simples d’accès en texte. Les textes sont peut-être riches mais ils ne vont jamais chercher des choses à double sens. Un exemple un peu gros : Les pingouins, vous connaissez. C’est une chanson à double sens, pour ne pas dire à triple sens... C’était tout à fait pour Juliette, ça. Moins maintenant. Si vous voyez l’émission que lui a consacrée Averty, vous verrez une différence. Soudainement, elle devient quelqu’un qui, là, peut toucher le grand public. Je crois qu’elle a eu beaucoup de difficultés à se montrer telle qu’elle était. Une sorte de pudeur, peut-être. Un interprète doit être à la fois retenu et un peu impudique. La balance est délicate, il faut un peu des deux. Je crois qu’elle était trop contenue. Elle ne pouvait pas se montrer telle qu’elle était. Alors que maintenant, j’ai la sensation très forte, et je l’ai trouvée formidable, d’ailleurs, qu’elle arrive à être elle-même publiquement. Mais nos chemins se sont séparés mais je suis très heureuse qu’elle arrive dans cette voie.

Votre dernière chanson enregistrée, c’est celle d’Evelyne Geller ? Les yeux fermés, sélection Eurovision 1981. A-t-on fait suffisamment sur cette chanson et sur Evelyne Geller ? Il y a des choses sur lesquelles il faut s’obstiner. Tout n’arrive pas en claquant des doigts, même si on a une sacrée chance. Ferrat en avait fait la musique. C’est dommage, car c’est une chanson extrêmement simple mais très belle. On ne retrouve pas tous les jours un Deux enfants au soleil ne nécessitant pas le moindre effort, entre autres sur la plan matériel !

Vous avez réalisé des émissions de radio et de télévision ? De télévision, non. J’ai participé à des émissions mais je n’en ai jamais réalisées. Des émissions de radio, oui. Régulièrement. En France, durant toute une période, à la suite de Patachou, d’ailleurs. Des émissions qui touchaient à la fois la chanson et la poésie. C’était pour faire intervenir des interprètes qui disaient des textes poétiques, d’autres qui intervenaient en chansons, etc.

On va revenir à votre principale interprète, Jacqueline Dulac. A elle seule, entre 1966 et 1981, elle a chanté une cinquantaine de vos textes signés Senlis ou Delécluse, ou les deux à la fois. Dans le premier numéro de Je chante, elle disait que ses plus grands titres étaient de vous. Jacqueline, on l’a connue par l’intermédiaire de la jeune femme qui s’occupait d’elle à l’époque, Evelyne Langey, qui nous a contactées. Comme nous partions deux jours plus tard en Yougoslavie et en Grèce, nous avons différé une rencontre jusqu’à l’automne. A l’automne, Evelyne nous a rappelées. La suite a prouvé qu’elle avait eu raison. On a fait effectivement beaucoup de chansons avec Jacqueline. C’est dommage qu’elle ne soit pas allée plus loin mais elle n’est pas la seule, de talent, dans ce cas. C’est vrai que de 1966 à 1981, toutes les chansons étaient pratiquement de nous. Les chevaux, voilà encore une belle chanson ! C’est fou, les compliments que j’ai pu recevoir sur ce texte, particulièrement des hommes. Pierre Courthion, grand critique et historien d’art, en avait fait sa chanson préférée. Jacqueline a eu beaucoup de courage, je dirais, parce que c’est une chanson difficile pour une femme. Pas dans le sens du texte qui comporterait des choses qu’il ne faut pas dire, ce n’est pas ça, mais c’est une chanson qui est très difficile à interpréter. Parce que la musique est difficile à interpréter, il y a tout un ensemble. Le texte est très denses. Il y a quatre couplets. C’était une gageure. En revanche, on pouvait pense que c’était trop tôt ou trop tard. Si à la suite de Lorsqu’on est heureux, on avait sorti Les chevaux et Venise après, j’ai souvent pensé que, peut-être, ça aurait été plus positif. Sans faire de calcul, bien sûr, mais en enchaînant deux chansons qui ont un air de famille, la même atmosphère, à cause de Francis, peut-être que lorsqu’on n’est pas, comme dit Aznavour, tout à fait en haut de l’affiche, il est peut-être possible que parfois on ait peut être dit que Jacqueline se répétait à ce moment-là, alors que si elle était arrivée avec Les chevaux tout de suite derrière... Et puis, Les chevaux est sorti en 1968, au printemps... en même temps que le... printemps à Paris ! Dans cette chanson, beaucoup ont voulu voir un propos politico-estudiantin ! Parce que la chanson commence par : « Ça vient, ça naît comme un cri, malgré la fumée et le bruit, le printemps, le printemps à Paris, du côté du Panthéon... », tout y était ! Une prémonition, je peux vous le dire. Si vous lisez le texte, on a l’impression qu’effectivement... mais pas du tout, il avait été écrit plus de six mois auparavant et personne ne soupçonnait qu’il y aurait quelque chose comme ça. Quand vous lisez le texte après coup, tout devient une évidence : la fumée, le Panthéon... Oui, je crois que cette chanson a été un peu perçue comme une chanson sur les « événements ». Alors, les trois titres qui étaient sur ce fameux disques (trois, parce que Les chevaux était assez longue) ont été balayées d’un grand coup.

Aujourd’hui, Michelle Senlis ? Je n’écrirai plus de chansons. je l’ai décidé après le « terrible désenchantement » de Mon vieux. Si une chanson non exploitée est reprise par un éditeur, d’accord. Le cas unique de Mon vieux ne peut pas se reproduire. En revanche, je peux continuer à écrire quand ça me fait plaisir et autre chose que des chansons. Des projets ? Superstition ! Et puis, je n’ai plus beaucoup de temps, du moins présentement, depuis que j’ai repris la peinture en 1968, à la suite d’un très beau voyage au Maroc, mais je ne pensais pas, mais alors pas du tout, à exposer ! Ce n’était pas le but. Il aura fallu des encouragements... d’autant que la peinture, c’est devenu « la tarte à la crème ». Ça doit être facile puisque tout le monde en fait ! Dans la réalité, c’est beaucoup plus difficile qu’on l’imagine, en dehors même de la création, mais là encore, j’ai eu de la chance. De belles et grandes rencontres, d’abord Pierre Courthion que j’évoquais plus haut puis Léon-Louis Sosset, très grand critique, lui aussi, et plein d’autres. Bref, depuis 1982, j’expose régulièrement en France, à Bruxelles et autres villes belges, à Bâle, à San Francisco (entre autres avec Hundertwasser), au Japon (Sapporo) où je vais aller au printemps si tout se présente bien, comme je l’espère... Alors, la vie est formidable et, tous les matins, comme dirait Guy Béart, « je me lève en chantant » !

Propos recueillis par Raoul Bellaïche

(Paru dans JE CHANTE n° 16, 1995, épuisé)


Lire aussi :


Comments


Article du jour
bottom of page