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Les « idoles de la chanson » et la « révolution » de Mai 68


Dans le numéro 1213, paru le 27 juin 1968, le magazine Noir et Blanc faisait sa « une » avec les « événements » qui avaient marqué la France les semaines précédentes. Lorsque paraît ce numéro de Noir et Blanc, ce qu'on n'appelle pas encore « Mai 68 » est sur le point de s'achever, puisque « chacun est rentré dans son automobile », comme le chantera Nougaro à la rentrée.

Journaliste, Alain Spiraux est aussi un parolier occasionnel. On lui doit quelques chansons, notamment pour Robert Ripa en 1958 (Ton cœur perdu dans ta guitare), Bourvil la même année (Le croque-madame), Lisette Jambel (Fais-moi des gouzis gouzis, 1958), Georgette Plana en 1962 (La môme musette), Jacqueline Danno (Les mouettes de Saint-Malo), Pussy Cat (Cette mélodie que l'orchestre joue)...

Pour ce numéro spécial de Noir et Blanc, il a demandé à une vingtaine d'idoles de la chanson d'alors ce qu'elles pensaient de la « révolution des jeunes ».​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​ Voici leurs réponses.

 

Ce qu’ils pensent de la révolution des jeunes

Et les fameuses « idoles des jeunes » ? Que pensent-elles au juste des événements qui ont secoué la France, et plus particulièrement la jeunesse de France ? Elles qui avaient coutume de brandir leurs guitares électriques comme des mitraillettes et qui, dans le déchaînement des « sonos », transformaient leurs récitals en meetings révolutionnaires, ont-elles disparu de la scène au moment où le passage à l'action a succédé à la « contestation » théorique gravée dans la résine des super-45 tours ? Sont-elles subitement devenues muettes, se trouvent-elles soudain frappées de paralysie ?

Car enfin, hommes de lettres ou de science, journalistes, auteurs dramatiques, cinéastes, comédiens, tout le monde a pris position – en des sens divers – devant le raz de marée revendicatif qui a déferlé sur le pays. Et les « enfants de la batterie », eux, sont restés étrangement absents de ce débat tumultueux, qui avait pris pour théâtre la rue, les usines et les facultés. Ils avaient mille fois « cassé la baraque » en chansons, en contorsions et gesticulations. Ont-ils estimé qu’ils en avaient assez fait, à l’heure où étudiants et forces de l’ordre s’affrontaient sur les barricades, où s’entrecroisaient, dans un ciel embrasé par l’incendie, cocktails Molotov et grenades soufflantes, où s’organisaient partout d’immenses cortèges fleuris de noir, de rouge et de tricolore ?

Nous avons voulu connaître les raisons profondes d’une attitude à première vue surprenante. D’où l’enquête dont vous trouverez ci-dessous le résultat. Parmi les «idoles » interrogées par nos soins, certaines ont refusé tout net de nous répondre. C’est leur affaire... Mais la plupart ont satisfait à notre légitime curiosité. Nous vous donnons, sans y changer une virgule, le texte de leurs déclarations.

À vous, chers lecteurs, de les apprécier et, bien que la mode ne soit plus aux examens, de leur attribuer une note — de 0 à 20 — « avec le motif », comme on disait dans l’armée de papa.

 

Johnny Hallyday

Moi, je me trouvais à Londres pour enregistrer douze nouveaux titres. Les événements, je les ai donc suivis d’assez loin. Et puis, il faut dire que la vie que mène un artiste, toujours par monts et par vaux, passant les frontières comme d’autres traversent la rue, l’empêche de connaître à fond les grands problèmes du moment, qu’ils concernent l’Université, qu’ils soient du domaine social ou du domaine politique...

Toutefois, je me suis promis de m’y intéresser davantage. Pour l’instant, j’avoue ne pas y voir très clair. Suivant qu’on écoute les uns ou les autres, les explications changent, et il est difficile de se faire une idée bien précise.

Annie Philippe

Le mouvement des étudiants, dans la première quinzaine de Mai, j’y ai applaudi des deux mains. Je me suis sentie encore plus joyeuse quand j’ai appris que les ouvriers, eux aussi, se mettaient à manifester ouvertement leur mécontentement et à réclamer de

meilleures conditions de vie.

Mais, là où je n’ai plus été d’accord du tout, c’est quand on s’est mis à retourner les voitures pour en faire des barricades. Quel affligeant spectacle ! J’avais envie de pleurer. D’autant plus qu’il s’agissait surtout de petites voitures, dont l’achat avait dû représenter bien des sacrifices. Les étudiants l’ont-ils compris ? Il est vrai que la plupart viennent de milieux bourgeois. Savent-ils ce que ces petites voitures symbolisent ?

Auraient-ils retourné leur propre voiture avec autant de rapidité ? Auraient-ils construit des barricades à Neuilly ou dans les beaux quartiers, à deux pas de leur résidence familiale ?

Ces étudiants contestent la «société de consommation ». Soit. Mais ont-ils pensé à ceux auxquels la société actuelle ne permet guère de consommer ? Ces questions, j’aimerais bien que certains étudiants y répondent. Car c’est à Rome que les étudiants ont offert d’indemniser les propriétaires de voitures incendiées. Pas à Paris.

Hervé Vilard

Enfant de l’Assistance publique, j’ai été valet de ferme pendant une dizaine d’années. Le triste sort des orphelins et des ouvriers agricoles, je le connais mieux que personne. Rien que pour eux, pour qu’enfin ils aient leur part de bonheur, il faudrait une véritable révolution, un changement radical. Aussi, ai-je suivi les événements avec passion. Si, vraiment, rien n’était transformé de ce côté-là dans un proche avenir, ce serait à désespérer du genre humain. Or, je souhaite bien vivement ne pas avoir à désespérer...

Michel Delpech

Je pense que les ouvriers et les étudiants ont eu raison de manifester leur mécontentement. Lorsque quelque chose ne va pas, on doit le faire savoir, et à voix haute. Cela posé, les uns et les autres ont-ils bien agi en se révoltant ou en faisant la grève ? Personnellement, je me refuse à prendre position. Pour la simple raison que la politique, je m’en fiche. Or, tout cela, vous en conviendrez, n’est qu’une affaire de politique...

Je ne suis ni ravi, ni effondré de la tournure prise par les événements. J’irai même jusqu’a affirmer que j’avais prévu cette colère de Paris. Depuis assez longtemps déjà, ça sentait le roussi...

Au moment le plus chaud, je me trouvais aux USA. Mais, revenu en France, j’ai continué de voir les choses d’aussi loin. Dans l’immédiat, je ne m’attends pas à de grands changements. Tout au plus, j’estime qu’un supplément de suffrages pour le gaullisme

était tout à fait prévisible pour le premier tour des élections, par crainte d’un gouvernement populaire.

France Gall

Ah ! la, la, ce que j’ai pu avoir peur ! Au début, je n’éprouvais qu’une certaine irritation. À cause des batailles du Quartier latin et des grèves, Voilà que la sortie de mon nouveau super-45 tours se trouvait compromise ! Moi qui avais tant travaillé pour qu’il soit réussi ! Et puis, à l’irritation a succédé la peur. Une peur carabinée. Tout le monde parlait de guerre civile autour de moi. jusque-là, j’avais été très heureuse, trouvant que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. j’étais parfaitement insouciante. Soudain, je me suis rendu compte que tout pouvait changer, que je risquais d’être moins heureuse, que j’aurais du souci à me faire. Alors, j’ai tremblé de tous mes membres...

Mais aujourd’hui, je suis complètement rassurée. Tout est rentré dans l’ordre. Quel bonheur !

Frank Alamo

Au départ, c’est-à-dire au moment des premières barricades, j’ai dit « bravo ». Mais, très vite, je me suis rendu compte – faites confiance à un ancien étudiant – que ce mouvement était de plus en plus noyauté. A tel point que l’on peut considérer qu’il y avait de tout devant les CRS. De tout... sauf des étudiants. Qu’on ne vienne pas me dire le contraire ! Moi aussi j’ai fréquenté la Sorbonne, et je sais à quoi ressemblent ceux qui suivent les cours des facultés. Du moins, avant le mois de Mai...

Je peux, toujours en connaissance de cause, vous parler d’associations du genre de l’UNEF. C’est du bidon ! Un mouvement très peu représentatif de la masse estudiantine...

Toujours est-il que quelques milliers d’irresponsables ont failli plonger la France dans une crise terrible. Heureusement que le général de Gaulle a su se montrer à la hauteur ! C’était lui le plus fort, et il l’a montré...

C’est vrai, j’avais fait une chanson sur le mouvement étudiant. J’avais choisi pour titre : « La jeunesse a raison. » Heureusement que le disque n’est pas sorti au moment prévu ! Je l’ai retenu à temps. Car je pense aujourd’hui que cette jeunesse, qui a dépavé les rues et incendié des voitures, n’avait pas raison du tout d’agir de pareille façon.

Joe Dassin

N’étant pas Français, bénéficiant d’un permis de séjour et désireux d’en profiter le plus longtemps possible, car je me sens Français de cœur, vous comprendrez sans peine qu’il me soit impossible de vous répondre.

Ce qui vient d’arriver en France – et un peu partout dans le monde, il ne faut pas l’oublier – est tellement important que je ne peux me permettre de dire des banalités sans conséquences. Ce serait trahir un événement sans précédent. Mais ce serait aussi me trahir. J’espère que ma position vous paraîtra raisonnable.

Romuald

Formidable, ce qui est arrivé ! Tant qu’un peuple est capable de réagir ainsi, il reste un grand peuple. La jeunesse, qu’on critiquait si fort depuis des années, la considérant comme une masse amorphe, tout juste bonne à consommer les biens que la société lui offrait, eh bien, cette jeunesse vient de prouver qu’elle en avait encore dans le ventre. Toute mon admiration va aux étudiants...

Un moment, j’ai cru qu’il allait y avoir aussi du nouveau dans le domaine de la chanson et que le monde des artistes allait participer au chambardement qui s’annonçait. Hélas ! Nous sommes trop individualistes dans le métier. Pas de changements à attendre de ce côté-là !

Mais, pour l’essentiel, on se tromperait fort en pensant qu’il n’y a plus qu’à tourner la page. Quelque chose a craqué, et il faut s’attendre à de nouveaux affrontements. Je suis sûr qu’au moment où les ouvriers s’apercevront qu’ils ont été floués, ils descendront, à leur tour, dans la rue et, à ce moment-là, le choc sera dur.

Eddy Mitchell

Comme tous les artistes, j’ai vu tous mes galas annulés, les uns après les autres. Ce qui ne m’arrange pas, mais ne me fait pas non plus soupirer à fendre l’âme... Quant aux événements, je n’ai pas envie d’en parler maintenant. Tout cela est trop compliqué. Il est trop tôt pour prendre position. Mieux vaut attendre.

Françoise Hardy

Comme je ne suis pas la femme-fleur, l’être éthéré, la jeune fille évaporée et plutôt distante que certains veulent voir en moi, j’ai une opinion assez précise sur les événements qui viennent d’agiter la France. Mais, comme je ne suis pas non plus une suffragette, ni une militante, cette opinion, je la garde pour moi, la réservant à quelques amis personnels avec lesquels j’ai envie de discuter de cette grave question... Donc, inutile d’attendre de moi des déclarations « définitives » sur ce qui a fait de Mai 1968 un mois exceptionnel...

Personnellement, j’aurais préféré qu’il n’arrive rien au mois de Mai. Car un projet très important devait être mis au point, qui aurait représenté pour moi un tournant dans ma carrière. Le plus important, peut-être. Le secret avait été bien gardé, et la presse n’aurait été informée qu’au mois de juillet. Ce projet est annulé. Tout est fichu. Mais je n’en veux pas aux étudiants. Ils ne sont pour rien dans ce très fâcheux contre-temps. Rien ne peut empêcher le cours des choses. C’est ce qu’il faut se dire, je crois, en essayant de rester philosophe...

Claude François

Pour moi, ces cinq semaines de la révolution de Mai représentent un joli paquet de millions évanouis... Tous mes galas ont été annulés. Mais qu’importe ! Cela en valait la peine. On ne peut pas faire de l’Histoire sans casser des œufs. Les Français viennent de vivre de très grands moments. Pour ma part, je les ai suivis avec passion, refusant même de quitter Paris pour me trouver plus près de la mêlée...

Évidemment, je n’ai pu participer aux manifestations. Je suis trop connu du public, et l’on aurait tiré de ma présence des conclusions hâtives. Or, cela, je ne le voulais pas. Je considère, en effet, qu’un artiste n’a pas à prendre position. Ce qui ne m’empêche pas d’estimer que trop de Français ne touchent pas un salaire décent, leur permettant de vivre dignement. Voilà le scandale !...

En revanche, il y a des gens que je ne comprends pas. Des artistes, des musiciens gagnant très confortablement leur vie, et qui se mettent à « contester», eux aussi ! J’en connais qui osent se plaindre amèrement de leur sort, alors qu’ils gagnent mensuellement vingt fois au moins la valeur du SMIG !

Dick Rivers

La révolution de Mai – ou, du moins, ce qu’on appelle ainsi – m’a fait perdre beaucoup d’argent. Mais qu’importent les galas annulés, les disques invendus, comparés aux conséquences d’un tel mouvement ! Ce qui compte avant tout, ce sont les résultats acquis par la masse ouvrière. Rien que d’y penser, je suis consolé des ennuis auxquels je dois faire face.

Néanmoins, je me sens assez inquiet en pensant à l’avenir qui se prépare. Ne faut-il pas craindre une dévaluation ? Ce serait catastrophique pour une grande partie des Français.

Quant à « contester » la société, comme on a tant voulu le faire depuis le début du mois de Mai, je trouve qu’on y est allé un peu vite. Comment peut-on penser qu’une philosophie de la vie peut être bouleversée en quelques semaines et remplacée par une autre ? Il faut laisser faire le temps, sans nier pourtant que le mouvement est bien lancé. Dans le monde entier, ça remue et le phénomène n’est pas seulement français. Partout, quelque chose est en train de naître...

Nicoletta

J’avais d’abord pensé rester en dehors de l’agitation. La politique, n’est-ce pas... Et puis, la curiosité m’a poussée à me rendre au Quartier latin. Je ne l’ai pas regretté. C’était fantastique comme spectacle ! Les barricades en flammes au milieu de la nuit, les rangs de CRS se mettant en marche comme une énorme bête monstrueuse, la fumée dans le soleil de l’aube... Les étudiants – car, au début, il s’agissait uniquement d’étudiants – ont tous montré un courage extraordinaire. Ce qu’ils ont fait, « il fallait le faire », comme on dit. Moi, je n’hésite pas à parler d’héroïsme...

Durant les premiers jours, j’ai beaucoup fréquenté la Sorbonne et l’Odéon. J’y ai entendu de fort belles choses, qui m’ont ouvert l’esprit sur plus d’un problème auquel je n’avais pas pensé jusque-là. Malheureusement, peu à peu, n’importe qui a pris la parole sur n’importe quoi. Comment voulez-vous discuter avec des anarchistes qui refusent tout dialogue et ne pensent qu’à tout chambarder ? Nier des évidences et démolir aveuglément, ce n’est pas la bonne solution pour aborder le stade des réformes indispensables ! Mais, d’ailleurs, les gens qui adoptaient pareille attitude négative avaient-ils véritablement la moindre intention d’être utiles, efficaces ?...

Monty

En quoi l’opinion d’un chanteur de variétés peut-elle intéresser le public ? Elle ne compte pas plus que celle d’un cordonnier ou d’un chauffeur de taxi... Pas moins, non plus, il est vrai.

Et pourtant, il faut bien l’admettre, en raison de sa popularité, un artiste bénéficie d’une très grande audience auprès de l’opinion. En Amérique, on l’a très bien compris. Ainsi, au moment des élections, la plupart des vedettes ne cachent pas le nom de celui à qui ils vont apporter leur suffrage, allant jusqu’à faire des déclarations télévisées.

Ici, nous avons la pénible impression de ne pas être pris au sérieux. Aussi, ne faut-il pas s’étonner d’entendre tant d’artistes répondre qu’ils sont avant tout « apolitiques ». Mettez-vous à leur place ! Ils ne tiennent pas à ce qu’on se moque d’eux.

Personnellement, j’ai suivi les événements de très près. A mon avis, la révolution de Mai aura de profondes répercussions sur la vie de la nation, dans les années à venir.

Alain Barrière

Je me sens totalement solidaire du mouvement qui vient d’agiter le pays. Je m’y attendais depuis quelque temps, d’ailleurs. Nous, les chanteurs, nous sommes d’excellents baromètres. Dès que le pouvoir d’achat diminue, nous en ressentons les effets, tant sur la recette de nos galas que sur la vente de nos disques. Le ministre des Finances serait bien avisé de nous consulter. Depuis le début de l’année, je sentais qu’un affrontement allait se produire...

Cela dit, je ne crois pas que nous allions vers de grandes réformes. Il est impensable que ça puisse changer tant que les mêmes hommes resteront au pouvoir. On ne peut jouer les révolutionnaires à cinquante ans et plus. C’est grotesque. Néanmoins, on peut espérer que la France va s’orienter vers un socialisme à la française, que ni le communisme, ni le gaullisme ne peuvent lui donner.

Stone

Les événements ! Ce qu’il faut en penser et ce qu’il en adviendra dans l’avenir, je n’en sais rien, car je ne fais pas de politique. Mais, pour ce qui est de la chanson, j’ai des choses à dire. J’espère que les événements en question provoqueront un grand coup de balai dans le domaine du disque et de la radio. Quand je pense que, depuis le début de la saison, on ne passe plus sur les ondes que des vieux trucs, genre Georgette Plana ou Lina Margy! C’est un scandale ! Et les nouveautés, alors ? L’art, quel qu’il soit, ne peut revenir en arrière. J’espère bien qu’à la rentrée, on ne nous programmera plus des « Riquita », des « Roses blanches » ou des « Petit vin blanc » poussiéreux. Je souhaite un raz de marée qui nous amène de nouvelles idoles et des refrains inédits. Sinon, je pense qu’il faudra bientôt refaire des barricades.

Richard Anthony

Il faut espérer que les responsables de la politique française sauront comprendre l’importance du mouvement qui vient d’agiter le pays, avec tant de violence. Tous, les étudiants comme les ouvriers, veulent participer à la marche des affaires qui les concernent. Autrement dit, ils exigent d’être « mis dans le coup », ils ne veulent plus avoir la pénible impression de n’être que des pions que les dirigeants déplacent sur un échiquier, au gré de leur fantaisie. Telle est, à mon avis, la grande leçon, des événements.

À ce propos, je crois que l’on devrait prendre exemple sur les chanteurs. Je m’explique. Chaque vedette a autour d’elle une équipe formée de musiciens, de chauffeurs, de techniciens, d’attachés de presse, etc. Que les membres de cette équipe soient cinq, dix ou douze, ils représentent une petite république pratiquant un véritable socialisme. Chacun donne son avis et contribue, par la discussion « permanente » – c’est-à-dire par la « contestation » – à la bonne marche d’une affaire qui profite à tous. Que l’on applique ces principes à l’échelle de la nation, et chacun se sentira mieux dans sa peau et n’aura plus envie de descendre dans la rue pour y dresser des barricades de jour ou de nuit.

Sheila

Je ne veux faire aucune déclaration. Pour moi, une seule chose compte, c’est l’avenir.

Jean-Jacques Debout

Impossible de rester indifférent devant des secousses d’une telle ampleur. Je me suis souvent rendu à la Sorbonne et à l’Odéon pour entendre parler de la révolution nécessaire. Un soir, à l’Odéon, on m’a pris a partie et traité de « bourgeois ». C’était idiot !

Tous ces révolutionnaires en herbe, qu’entendaient-ils par ce terme ? Se rendent-ils compte qu’à part une fraction d’agités, la France entière est « bourgeoise » ? Tous, ils brandissent les pensées de Mao ou de Guevara à la face des gens, voulant ignorer que, lorsqu’un ouvrier rentre chez lui, le soir, ce n’est pas dans le « petit livre rouge » qu’il va se plonger ! Il tournera le bouton de sa TV pour voir Guy Lux, Léon Zitrone ou Roger Couderc. L’accident de Mireille Mathieu a bien plus remué les foules que la mort de Guevara...

Va-t-on obliger les gens à chercher un autre bonheur que celui auquel ils aspirent ?... Personnellement, je n’ai pas pris parti. Je préfère me taire plutôt que de dire des c... Néanmoins, il faut reconnaître que la France a été bouleversée et que chacun a dû faire son examen de conscience. Ce n’est déjà pas si mal.

Interviews recueillies par Alain Spiraux.

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