Groupe de chanteurs ayant élu domicile au Petit Gavroche, un bistrot du Marais, les Barricadiers (qui se sont d’abord appelés Les Gavrochards) avaient à leur répertoire des chants révolutionnaires et des chansons de lutte. Vania Adrien-Sens, chanteur et joueur d’orgue de Barbarie, a fait partie de ce groupe formé après Mai 68.
« Il y avait Annick Mevel, Germinal, Jacques Legrand – accordéoniste et psychanalyste –, un nommé Billot – qui a travaillé par la suite à Radio France Mont-de-Marsan – et un guitariste que tout le monde appelait Professeur Nimbus et qui a rejoint dans les années 80 le groupe Elvis Platiné... Nous allions dans les facs occupées chanter des chansons révolutionnaires qui étaient suivies de débats... Pendant la courte existence des Barricadiers, nous avons enregistré deux 45 tours, en 1970 et en 1971, l’un avec le C.R.A.C. (Des canons, Carmela...) et l’autre avec des chansons de la Commune. »
Le groupe se sépare au bout de quelques mois : « On s’est arrêté parce qu’on se faisait régulièrement agresser par les fachos... Nous étions en 1971 et, ceux qui l’ont vécu vous le diront, l’après-Mai 68 n’était pas facile à vivre pour ceux qui avaient participé aux événements. Ça commençait même à devenir un peu dangereux... »
Seule femme du groupe, Annick Mevel participera à un disque de jazz de Jac Berrocal en 1979 (album « Catalogue » sur le label D’Avantage) avant de mettre fin à ses jours...
« Nous, on a eu un second souffle à travers plusieurs lieux et compagnies et on a pu continuer à militer culturellement. Puis il y a eu les cafés musique. Mais ceux qui sont restés dans le théâtre engagé et l’agit-prop se sont foutus en l’air... Il y en a eu pas mal, et de cet aspect de Mai 68, on ne parle jamais... 40 ans après, ce qui est le plus dur à vivre pour moi, c’est le manque de politisation des jeunes : on a l’impression qu’ils gobent tout. Certes, il peut y avoir l’humour, le cynisme et le second degré mais ça ne suffit plus maintenant. Nous, on y a beaucoup cru et on y a laissé des plumes... Comédien à la télévision, je faisais pas mal de “dramatiques” et après Mai 68, je n’ai plus bossé du tout à la télé. Maintenant, nous ne sommes plus que des images, des caricatures, comme s’il n’y avait rien derrière... Les chants de lutte sont devenus du folklore, mais on continue de les chanter parce que ça fait du bien. Et ça permet de rester dans l’activité... »
Propos recueillis par R. B.
le 10 mai 2008