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Jade Morisson chante Barbara

Née en 1968, Jade Morisson vient de publier son quatrième CD. Un album de reprises des grandes chansons de la Dame en noir.

Qu'est-ce qui vous a amenée à Barbara ?

J'ai découvert Barbara assez tard, en classe de seconde ou de première, et j'ai été très touchée par son univers. C'est une période où j'étais très réceptive à ce type de textes et ça m'a bouleversée. J'ai eu la chance d'aller la voir à Mogador en 1990, j'avais 22 ans. C'est un concert qui m'a beaucoup marquée parce qu'elle avait une présence que je n'avais jamais vue nulle part ailleurs. J'avais vraiment l'impression d'être seule dans la salle et que Barbara chantait uniquement pour moi...

Depuis, j'ai écouté Barbara régulièrement, mais sans jamais imaginer que je reprendrai un jour ses chansons... Ce projet, que je trouvais casse-gueule, est né il y a trois ou quatre ans. J'ai d'abord fait un gros travail solo avec ma guitare à la maison. Je n'avais jusqu'alors pas entendu de reprises de Barbara, ou très peu, et ça ne m'intéressait pas, je préférais l'écouter, elle. Reprendre ses chansons ne m'intéressait que si je le faisais avec mon propre univers et que j'en faisais quelque chose d'autre. Cela a nécessité beaucoup de travail pour trouver la porte d'entrée... J'ai beaucoup réécouté Barbara à ce moment-là, j'ai acheté plein de livres sur elle pour m'imprégner de son univers, pas tant pour connaître sa vie personnelle que pour mieux comprendre certains textes que j'avais choisi de reprendre.

Vous avez choisi les tubes finalement, ce n'était pas un écueil ?

Oui, il y a les tubes, mais aussi deux titres moins connus comme Le temps du lilas et Joyeux Noël. En fait, je me suis concentrée sur la période 1960-1970 – avec une seule exception : Perlimpinpin – parce que c'est celle que je préfère.

Cela passe très bien à la guitare et dans votre façon de chanter, il y a de l'énergie et un peu l'esprit du rock. Barbara, vous l'emmenez autre part sans que ses chansons soient dénaturées. Et il y a l'émotion...

C'est ce qu'on me dit... Pour moi, soit on est imprégné des textes de Barbara, on rentre dans sa peau et on se lance, soit on n'y va pas... J'ai entendu des reprises de Barbara ou de Prévert, par exemple, et je me suis dit : si c'est ça, non... Ce n'est pas le chant qui est intéressant, c'est l'intention qu'on met dans ce chant. Je ne sais pas si je réussis à chaque fois, mais j'essaie. Il y a aussi l'apport de mes deux compères. J'avais fait un gros travail en amont, mais je leur ai ensuite demandé d'apporter leur patte. J'avais déjà travaillé avec Bruno Frouin, qui a un jeu plus folk, alors que Christophe Jodet vient du jazz.

Clip de présentation de son album

Je crois que c'est la première fois qu'on chante Barbara à la guitare. Elle est tellement associée au piano...

Mais on a un petit piano sur scène, le « Michelsonne ». C'est un piano miniature, un jouet, qui avait été conçu par un monsieur qui s'appelait Victor Michel. Ce ne sont pas de vrais pianos puisque les touches ne frappent sur des cordes, mais sur des tiges métalliques. Et du coup, ça reste tout le temps juste. Ces pianos jouets ont été beaucoup vendus à l'époque et on en trouve d'occasion. On a choisi d'en avoir un sur scène juste pour le clin d'œil, et on l'utilise sur Joyeux Noël et au début de Une petite cantate.

Sur scène, je reprends Au bois de Saint-Amand toute seule, avec ma pédale Loop, mais ça ne rend pas sur un enregistrement et c'est la raison pour laquelle ce morceau ne figure pas sur l'album. Je n'ai pas repris L'Aigle noir parce que, à vrai dire, je n'aime pas tellement cette chanson... Et il y en a d'autres que j'adore, mais que je ne pouvais pas reprendre comme Mon enfance, Nantes ou Rémusat. Ce sont des chansons trop personnelles où elle parle de ses parents...

Qui appréciez-vous à part Barbara ?

Pour me faire plaisir, je travaille en ce moment sur trois chansons d'Anne Sylvestre que je trouve superbes. Je les ai mises « à ma sauce » et je suis assez contente de ce que j'en ai fait. Ce travail sur Barbara m'a donné envie de reprendre d'autres auteurs-compositeurs. Je pense que mon prochain tour de chant sera consacré à Jacques Brel.

Bernard Serf, le neveu de Barbara vous connaît ?

Quand vous reprenez une chanson sans rien modifier, vous n'avez pas besoin de l'autorisation des ayants droit, vous faites simplement une déclaration SACEM. Mais nous, on est à la limite avec Perlimpinpin ou Gare de Lyon car on « déforme » pas mal de choses, notamment le tempo, et j'avais donc besoin d'avoir l'autorisation des ayants droit, celle-ci étant bien sûr laissée à leur appréciation. Je l'ai fait aussi par courtoisie. Bernard Serf m'a donné son accord. Je l'ai rencontré récemment à Paris à un concours Barbara à la Philharmonie, où je faisais partie des dix lauréats.

Quelle est la réaction du public lorsqu'il vous découvre sur scène ?

Franchement, je craignais un peu la réaction des grands fans de Barbara ! Mais j'ai eu tort de m'inquiéter car ceux qui viennent m'en parler à la fin du spectacle sont conquis. Ils me disent : « On n'aime pas trop les reprises, en général, mais là, vous nous emmenez ailleurs et en même temps on est avec elle... » Globalement, on a de jolis témoignages.

Vous tournez beaucoup ?

Non, pas vraiment car nous n'avons pas de tourneur. Mes deux musiciens sont dans le milieu de la musique depuis un certain temps, ce qui n'est pas mon cas car je bosse à côté et j'ai un enfant en bas âge. C'est compliqué... Il n'y a pas beaucoup de lieux à Bordeaux. Quant aux salles des collectivités, ce n'est pas facile d'y accéder, elles reçoivent 50 propositions par jour... On ne tourne donc pas beaucoup, mais je fais néanmoins attention à ce qu'on nous propose. C'est un spectacle qu'on ne peut pas jouer dans un bar, il faut que l'on passe dans de bonnes conditions et que le public soit lui aussi dans de bonnes conditions d'écoute. Donc, c'est plutôt théâtre ou cabaret.

Que pensez-vous avoir de commun avec Barbara ?

Je me définis un peu comme une écorchée vive et je suis tellement touchée par ce qu'elle est capable d'écrire que je me dis qu'on doit avoir des choses en commun... La sensibilité et une certaine fragilité. Et elle m'a touchée aussi parce qu'il n'y a pas de tricherie dans ce qu'elle raconte.

Propos recueillis par Raoul Bellaïche

• « De Nantes à Göttingen, sur les pas de Barbara », CD autoproduit, disponible sur le site : www.jademorisson.fr

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