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Gérard Palaprat (1950-2017)


Porté par la vague « mystique » du début des années 70 (Hair), Gérard Palaprat connaît le succès avec Pour la fin du monde, Fais-moi un signe, L'homme tu ressembles à Dieu, Les orgues de Berlin, Svasti... À l'autre bout de Paris, au bord de l'Atlantique où il vit, Palaprat vient de réenregistrer, avec d'excellents musiciens qui respectent les arrangements des versions originales, ses principaux succès. Sur le même CD distribué par Flarenasch, trois nouveaux titres. Brève rencontre.

JE CHANTE ! — C'est le premier CD de Gérard Palaprat...

GÉRARD PALAPRAT.— Oui, il a été enregistré dans le Médoc, au bord de l’Atlantique, là où je suis ancré...

Depuis quand n'êtes-vous pas entré en studio pour faire un disque ?

Je vais souvent en studio, parce que je m’intéresse beaucoup à l’enregistrement, mais pour moi, ça faisait effectivement longtemps. Quelques petites années...

Vous vous souvenez de l’enregistrement de votre premier disque chez AZ ?

Mon premier disque, en fait, c’est la bande originale française de Hair. J’ai joué trois ans dans cette comédie musicale. Il y avait une chanson qui s’appelait Sodomie, un titre interdit d’antenne, que chantait aussi Philippe Richeux. Mon véritable premier disque, c’est Les orgues de Berlin. On avait fait ça en quatre pistes, au Studio des Dames. Maintenant, en deux fois 32 pistes, sur ordinateur, c’est autre chose, ça n’a plus rien à voir... Après, il y a eu Fais-moi un signe, Pour la fin du monde, Svasti.

Votre arrivée dans le monde du spectacle et de la chanson, c’était au moment de Hair ou est-ce que vous avez commencé avant ?

J’ai commencé bien avant, puisque j’avais fait l’École du Spectacle, rue Cardinal-Lemoine, avec des cours scolaires de midi à cinq heures, le reste du temps étant consacré au spectacle. J’ai fait du théâtre, du cinéma, de la télé, du cirque, de la danse, du violon, des tas de choses... Et un jour, je me suis retrouvé dans Hair.

Pas par hasard, je suppose ?

Un petit peu. À l’époque, Bertrand Castelli avait auditionné quelque chose comme... dix mille personnes ! Hair a été monté dans quatorze capitales, c’était une grosse machine.

D’autres célébrités sont passées dans Hair, je pense à Julien Clerc, à Gérard Lenorman.

Vous êtes arrivé dans la troupe à quel moment ?

J’étais avant eux. Je m’étais tapé tous les répétitions un an à l’avance, dès 68, puisque Hair a commencé en 69.

Comment s’est fait votre entrée dans l’écurie AZ, la maison de disques de Lucien Morisse ?

Lucien est venu me voir au Théâtre de la Porte-Saint-Martin et m’a proposé de travailler avec lui. C’est le monsieur qui a fait Polnareff, Fugain, Charden, et Dalida, bien sûr. Avant d’être à Europe 1, il travaillait à Radio-France. Son premier métier consistait à porter les bandes de la discothèque au studio.

Vous souvenez du nombre de disques enregistrés ?

Je crois qu’il y a huit 30 cm et vingt-cinq ou vingt-six 45 tours...

Votre premier grand succès public, c’est Fais-moi un signe. Elle est venue comment, cette chanson ?

Dans une salle de bains ! Comme ça arrive souvent, il manque un titre pour terminer le disque et on le fait au dernier moment. Et comme par hasard, c’est bien inspiré et ça fait un disque d’or. C’est les mystères du studio, ça.

 

"Fais-moi un signe" dans Vivement Dimanche

 

"Pour la fin du monde" dans Les Années Bonheur

 

Vous vous souvenez des musiciens avec lesquels vous travailliez en studio, à l’époque ?

Oui, il y avait André Ceccarelli et Pierre-Alain Dahan, pour la batterie, Sitbon et Padovan, Claude Engel et Jannick Top... Ou Joss Baselli à l’harmonica et à l’accordéon, les frères Costa comme choristes. Tous ceux qui sont devenus des grands aujourd’hui.

En ce qui concerne votre vie privée, on ne sait pas grand-chose, vu qu’elle ne s’est jamais étalée...

Non, ça s’est toujours bien passé, même au niveau de certains journaux. Ils m’ont toujours respecté.

J’ai l’impression qu’entre vous et le métier, ça s’est toujours passé en douceur. Vous n’êtes pas un homme à coups de gueule ?

Si, si ça arrive. Il ne faut quand même pas me casser les pieds !

Vous avez toujours donné cette image du garçon plutôt facile à vivre ? C’est une image qui vous a collé à la peau ?

Un petit peu, quoique ça ne me dérange pas trop. J’ai été plus ou moins anarchiste, hippie, homosexuel, et j’en passe... Dans les bruits de couloir de ce métier, il se raconte tellement de choses. Ça me passe par dessus la tête. L’important, c’est de réaliser ce qu’on a envie de réaliser.

Reparlons de ce nouveau disque et premier CD de Gérard Palaprat. Douze titres, des nouvelles chansons et des reprises de quelques uns de vos grands succès. Comment est né cet album ?

Ça faisait longtemps que ça nous courait dans la tête, Jean Guinéa, les musiciens de Rose Cadillac et moi. Jean Guinéa m’a un jour téléphoné pour me proposer d’enregistrer un disque. Et ça s’est fait. En toute simplicité.

A vous écouter, enregistrer un disque, c’est très facile !

Oui. J’ai retrouvé ce monsieur dans un château, dans l’Eure, on a discuté et on a réalisé ce disque.

Rose Cadillac, c’est un groupe ?

C’est le groupe de Jean Guinéa. Ce sont des musiciens qui vivent pratiquement dans le même village que moi, à Cannes-Océan. Quant aux studios, ils sont situés à quarante kilomètres.

Contrairement à ce qu’on dit souvent, loin de la capitale, ça peut très bien se faire ?

Bien sûr. Le mythe de la capitale, c’est fini. Et puis, à Paris, les studios coûtent une fortune : vous ouvrez la porte d’un studio, vous dites bonjour, ça fait déjà dix mille francs ! Sans les musiciens, sans les techniciens, sans rien. C’est quand même époustouflant. Vous imaginez le petit jeunot qui débarque à Paris avec l’idée d’enregistrer un disque ou même une maquette...

Une chose que je remarque avec bonheur en regardant la jaquette de votre disque, ce sont les « crédits » : ce n’est pas du synthé, il y a des musiciens. Ça, c’est important ?

Il y a plein de copains qui sont passés jouer sur ce disque. Le frère de Daniel Balavoine est venu faire des chœurs avec sa fille.

Dans les remerciements, on lit : « Un parfum d’encens, la présence de Bouddha, ceux qui ont édifié cette humble pyramide et les musiciens... » Vous êtes toujours branché dans ce trip oriental...

Eh ben oui ! D’ailleurs, Diffusion Traditionnelle est un label de diffusion branché là-dessus, ils éditent aussi beaucoup de livres très intéressants. C’est pour ça qu’on s’est rencontrés.

Vous-même, vous êtes donc toujours orienté vers ce mode de vie, cette philosophie à l’orientale ?

Enfin, oui, disons que je suis toujours bouddhiste dans l’esprit, mais il n’y a pas que l’Orient : il faut faire des parallèles avec Yahvé, Allah, Jésus ou Krishna...

Vous avez passé beaucoup de temps à étudier ?

C’est-à-dire que j’ai essayé de faire le tour, « le grand cercle », et j’ai continué. Soir et matin, je suis branché.

Dans les reprises, vous avez choisi Fais-moi un signe, Svasti, Pour la fin du monde ou L’homme, tu ressembles à Dieu, des titres importants des années 70. C’était évident, le choix de ces titres ?

Oui, car ce sont des chansons qui ont bien marché à ce moment-là. Les autres titres correspondent à un choix plus personnel.

Parlez-nous des nouveaux titres, il y en a trois, je crois.

L’océan est dédié à l’océan au bord duquel nous vivons, Jean Guinéa, les musiciens et moi. C’est le pays des surfers. Quand je t’aurai dit est une chanson dans laquelle je raconte tout ce que je suis vraiment. Et puis, il y a une chanson qui est dédié à un monsieur qui s’appelle Imperator...

Propos recueillis par Michel Gosselin (1996),

"Nouvelle Vogue" sur Radio Bleue.

• Interview publiée dans JE CHANTE n° 19 (1996, disponible)

• « A la Croisée de la Rose », CD Diffusion Traditionnelle, distribution Flarenasch/WMD 472.304.

Magic Records a publié en 1998 un CD avec 23 titres de Gérard Palaprat enregistrés entre 1969 et 1971. En bonus, on trouve notamment la version anglaise de Fais-moi un signe (Give me a sign).

 

Patrick Lemaître :

« J’avais un ami d’école qui s’appellait Gérard Palaprat... »

Je suis un enfant de la balle. J’avais huit ans et demi lorsque j’ai mis « les doigts dans la prise » en tournant un tout petit rôle – mais très sympathique – dans un film qui s’appelle Le Grand Chef, avec Fernandel. Un jour, ma mère, qui était chanteuse, était venue me chercher en pension. Avant de rentrer à la maison, elle est passée voir son agente, Mme Richard, qui lui dit qu’elle recherche des enfants pour le nouveau film d’Henri Verneuil. Ma mère est d’accord. J’ai tourné pendant trois jours dans ce film qui passe toujours à la télé... Je disais une phrase mythique : « Je vais chercher la boîte à outils à papa ! » Verneuil m’a fait plusieurs plans sympas avec Fernandel.

Très rapidement, je suis rentré à l’École du spectacle – 24, rue Cardinal-Lemoine – et j’ai eu la chance de beaucoup travailler. En 1960, j’ai tourné dans un feuilleton de 13 épisodes avec Achille Zavatta, Le Trésor des treize maisons. Après, ça a été le Théâtre de la Jeunesse avec Claude Santelli, où j’ai incarné notamment Gavroche dans la trilogie des Misérables. À partir de là, j’ai beaucoup travaillé en tant qu’acteur. J’ai fait beaucoup de synchro, du théâtre avec Roger Hanin, Pierre Dux... J’avais entre dix et treize ans. À 14 ans, j’ai tourné à Cinecittà pendant un mois dans Merveilleuse Angélique. Bref, une belle carrière d’acteur, beaucoup d’émissions de radios, des feuilletons...

En parallèle, j’ai commencé à travailler la guitare et la musique. J’étais un fan de rock and roll, Johnny puis les Beatles. J’avais un ami d’école qui s’appelle Gérard Palaprat. J’ai quitté l’école en 1965 et là, il s’est passé quelque chose d’extraordinaire. Au mois d’août, ma grand-mère paternelle décide de déménager de Précy-sur-Oise pour aller habiter à Cagnes-sur-Mer. Me voilà parti, ma guitare dans une main, ma valise dans l’autre pour aller passer trois semaines chez ma grand-mère. Je me retrouve en face de Gérard. Ses parents avaient une maison à Cagnes-sur-Mer. On ne se voyait pas à Paris, mais tous les ans – été 1966, été 1967, été 1968 –, nous nous sommes retrouvés au mois d’août et on passait trois semaines ensemble.

On passe une année sans se voir et, rebelote, en avril 1969, j’appelle chez ses parents et son père me dit : « Cette année, Gérard ne part pas en vacances, parce qu’il vient de signer pour une comédie musicale qui s’appelle Hair. »

En parallèle de mon activité de comédien, j’avais une activité de musicien. J’étais guitariste. J’avais commencé à faire quelques bals avec des copains et de fil en aiguille, je me suis retrouvé à être engagé pendant un an et demi – de 1968 à fin 1969 – comme chanteur-guitariste-animateur d’un accordéoniste très connu à l’époque, Jacky Noguez.

Quand Gérard se retrouve dans Hair, moi, je découvre ce monde de fous qu’est le monde des hippies. Nous sommes en 1969, juste après Mai 68, où au niveau de la comédie, j’éprouve un gros malaise : je trouve que les comédiens ne parlent que de leurs droits syndicaux... Après 68, il y avait une ambiance très bizarre, une espèce de suffisance du monde de ces artistes qui avaient le sentiment d’avoir triomphé de l’exploitant... Quand arrivait 19 heures, ils ne tournaient plus, il fallait qu’ils aient leur quart d’heure de pause. Je trouvais ça un peu sinistre. Moi, je suis un saltimbanque. Ce qui m’amuse, c’est de jouer, pas de parler de mes droits syndicaux. En tout cas pas en priorité, dans la mesure où on n’abuse pas de ma bonne volonté.

Finalement, ça m’a donné envie de quitter un peu ce métier et Gérard a été une opportunité pour moi puisqu’après avoir enregistré deux chansons de Hair, il a fallu qu’il trouve d’autres chansons pour son prochain disque. Je lui ai proposé de faire des musiques. Avec Maurice Vallet, qui était l’un des deux auteurs de Julien Clerc, on a fait les deux premières chansons originales de Gérard Palaprat : Les orgues de Berlin et Tristan des Terres-Neuves. Premier simple chez AZ. On a fait un très beau succès d’estime, la chanson passait à la radio, on a dû en vendre 45 000. C’est comme ça que ça a commencé. Puis on a rencontré Jean-Pierre Lang avec qui on a fait Fais-moi un signe, Pour la fin du monde, etc. Et là, Gérard va avoir une belle carrière. Et c’est comme ça que je suis devenu un compositeur professionnel. J’ai fait un dernier tournage à la télévision, un Cinq dernières minutes avec Raymond Souplex, Meurtres par la bande, dans lequel je joue un collectionneur de bandes dessinées.

J’ai arrêté la comédie, c’était un choix, et me suis entièrement consacré à la composition.

Propos recueillis par Raoul Bellaïche (octobre 2015).

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