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Se souvenir d'Herbert Pagani (1944-1988)


Le 16 août 1988 (une semaine après Félix Leclerc), lorsqu’il nous quitte, victime d'une leucémie foudroyante, alors qu'il se trouve en vacances en Floride, Herbert Pagani est malheureusement déjà oublié, son dernier album remontant à... 1976.

« Pagani à Bobino » est son cinquième 33 tours chez Pathé réalisé, comme les précédents, par Claude Dejacques. Plusieurs titres de ce live ont été réédités par Magic Records : Le train de l'espoir, Sérénade, La cuisine, le ménage et l'amour, Monologue de la solitude, L'étoile d'or, L'amitié et Le réseau, un très beau texte écrit en collaboration avec... Jacques Attali (1). Après ce disque en public, Herbert Pagani sort un dernier 45 tours chez Pathé : Les gens de nulle part — un superbe hymne à tous les exilés — et Vieux père Hugo, deux titres aujourd'hui réédités.

En avril 1976, invité du Grand Échiquier de Jacques Chancel, Herbert Pagani chante une nouvelle chanson qu'il vient d'écrire : Les gens de nulle part. L'année suivante, Pagani enregistrera ce titre, mais la version du 45 tours (aux orchestrations surchargées) n'égalera pas cette magnifique version du Grand Échiquier, sobrement accompagnée à la guitare. Une chanson toujours d'actualité.

« Les gens de nulle part

Sont tous de quelque part

Ils ont tout simplement

Perdu leur paradis

Ils sont les rescapés

D'immenses tragédies

Qu'on nomme avec pudeur

Bavures de l'histoire... »

 
 

Huit ans plus tard, en 1982, lorsqu'il publie son dernier disque, un 45 tours inspiré du film d'Alexandre Arcady, Le Grand Pardon, avec deux chansons mises en musique par Serge Franklin (la chanson titre et On n'est pas Danois), Pagani est considéré comme un « revenant ». Pendant six ans, il s'est, de fait, éclipsé de la scène, se consacrant à la sculpture et à la peinture, les autres cordes de son arc. Ne lui doit-on pas les impressionnantes fresques futuristes de Mégalopolis, une comédie musicale enregistrée en 1972 mais peu jouée ?

Reprise et adaptée (d'autres chansons de Pagani ont été ajoutées), en février 1999, par Bernard Bitan, en accord avec Marcos, le fils d'Herbert, Mégalopolis a connu un joli succès au Bataclan, poussé par un Francis Lalanne barbu, qui a repris le rôle tenu par Pagani. « Surfant » sur la vague des comédies musicales, Mégalopolis version 1999 sort en disque et, surtout, attire à nouveau l'attention sur son auteur (dont beaucoup ne connaissent que La bonne franquette, classique des anniversaires !).

Invités par Michel Drucker, Francis Lalanne et la troupe de "Mégalopolis 1999" – Dominique Guillo, Véronica Antico, Andi Cocq, Aurélie Saada (Mayane Delem et Brigitte), Anne-Charlotte Pontabry (Cachou), Fabrice de la Villervé et Laurent Hennequin – chantent L'amitié sur la plateau de Vivement Dimanche.

À cette occasion, EMI édite une compilation (« Chez nous ») et Magic Records réédite, en 4 CD, dont un double (« Mégalopolis »), la quasi intégrale de ses enregistrements Pathé 1971-1977.

Enregistré en 1971 à Milan, avec des musiciens italiens, « Concerto pour Venise » possède une couleur qui deviendra la marque des chansons d'Herbert Pagani. Celles-ci témoignent des préoccupations de leur auteur : l'avenir de la planète et de l'homme, les rapports humains, la consommation (« Les gens achètent et s'imaginent que ça les rend heureux... »)... Cela dit, Pagani n'a rien du triste sire (Concerto d'Italie) ni de l'intellectuel décharné... De La bonne franquette à Chez nous, en passant par Deux sous la douche, ses chansons célèbrent aussi « la cuisine, le ménage et l'amour », pour reprendre le titre d'une de ses chansons. Original, le disque s'ouvre sur un savoureux montage (Réveil téléphonique /radio/gargarismes).

Double album à l'origine (1972), Mégalopolis est présenté en version intégrale (plus de 92 minutes), avec un livret reprenant quelques uns des textes et des dessins. Mégalopolis, écrit Pagani, « c'est un roman musical, un film pour les oreilles (...), où se mêlent politique-fiction, amour, humour et révolte. C'est l'histoire d'un garçon et d'une fille qui se rencontrent, s'aiment et décident de se battre contre un monde fantastique et terrible qui est celui de notre avenir. » Le troisième CD débute par Les années de la rage et les heures de l'amour, un texte marqué par la crise du pétrole de 1974 : « Milan, Londres, Amsterdam : rationnement d'essence / Les dames du macadam s'hibernent le dimanche / Et pour les autoroutes, c'est l'aube du silence... » Puis c'est La bonne franquette, Couleur blue jean délavé, L'étoile d'or...

En bonus : deux titres rares parus en 45 tours : 1900, le thème du film de Bertolucci et Voyage de noces (musiques de Morricone) et le fameux Plaidoyer pour ma terre, texte écrit le 11 novembre 1975, réplique immédiate à l'adoption par l'ONU d'une résolution assimilant le sionisme à une forme de racisme, qu'il lira en direct sur Europe 1 puis au Grand Échiquier...

 

Plaidoyer pour ma terre, texte dit par Herbert Pagani

sur la plateau du Grand échiquier, le 29 avril 1976.

 

« Peintures », le quatrième CD (1975) débute par Le show business, peinture – justement –féroce du métier. Il y a au moins deux autres chansons magnifiques sur ce disque : la version française de Gracias a la vida de la Chilienne Violetta Parra (Merci l'existence) et Leçons de peinture.

Atypique, Pagani demeure un artiste « large » aux multiples casquettes, qu'on ne peut réduire à quelques étiquettes commodes (gauchiste, sioniste, écologiste...). Barbu, comme ceux de sa génération, il tourne le dos au folk américain et à son univers et s'offre de flamboyantes orchestrations européennes avec de grands musiciens italiens. Juif de gauche, il combat un certain antisémitisme en vogue dans les milieux gauchistes et tente de concilier sionisme et gauchisme. Vigilant, Herbert Pagani, navigue sans cesse entre racines et avenir.

Écriture élégante, goût des mots, rimes riches, tout cela au service d'une pensée forte et de convictions fortement assumées. À notre époque où prédominent les textes « mous », ceux de Pagani devraient intéresser des interprètes en quête de répertoire consistant...

Raoul Bellaïche

(Article paru en septembre 1999, dans le JE CHANTE n° 25)

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(1) L'ex-conseiller de Mitterrand écrira aussi une chanson pour Barbara, Coline, sur une musique de Franz Schubert, sur l'album « Rêveuses de parloir », en 1992.

 

"Dolce Francia" : Herbert Pagani chante Charles Trenet

En écoutant un matin à la radio Carla Bruni chanter Douce France en italien, je me suis souvenu avoir enregistré – uniquement le son – ce passage, dans une émission de télévision.

Ce n'était pas Le Grand Echiquier mais une émission produite et présentée par Jacques Ertaud, intitulée Bonjour, bonsoir la nuit diffusée le 15 août 1981. Elle accueillait Charles Trenet en invité principal entouré d'autres artistes comme Jacqueline Dulac, Ginette Garcin, Claude Luter et Herbert Pagani. L'émission alternait sur 2 heures 35 minutes variétés, reportages et documents personnels apportés par le producteur.

Dans cette émission, Herbert Pagani conversait – une chose qui ne se fait plus dans les émissions de variétés ! – avec Charles Trenet. Puis il chantait deux chansons du Maître, dont il avait écrit l'adaptation en italien.

Donc, voici Dolce Francia et Il giardino estraordinario, par Herbert Pagani, et quelques instants de duo avec Charles Trenet !

 

Bonus : Charles Borg chante Herbert Pagani

"À la vie... à l'amore !"

Charles Borg, acteur et réalisateur (court métrage : "Performant", clip : "Regarde-moi, Esméralda") chante Herbert Pagani au Ciné 13, Paris. Réalisation et montage: Franck Balmary

 

Discographie CD Herbert Pagani

4 CD Magic Records / EMI :

• Concerto pour Venise (497 585-2)

• Mégalopolis (498 575-2)

• Les années de la rage... (499 740-2)

• Peintures (499 739-2)

PS : ces quatre CD publiés en 1998 et 1999 par Magic Records ne sont vraisemblablement plus disponibles, mais il doit exister une compilation d’Herbert Pagani (EMI).

Liens

Le site officiel (en italien)

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