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Cyril Azzam, pionnier du rhythm and blues et de la pop musique en France

Dans la bande originale du film Les Jeunes Loups, on peut entendre un certain Cyril sur deux titres, Praying et The words. J’ai voulu en savoir plus.

Dans ses Mémoires (Gare au show-biz !, éditions de Septembre, 1993), Jean-Claude Annoux avance le nom d’un certain Cyril Dalin ou Datin, mais il se trompe : un chanteur nommé Cyril Dalin a bien existé à la fin des années 50, enregistrant, au moins, deux EP chez Pacific, mais ce n’est pas le bon. Norbert Saada et Jack Arel, à qui j’avais posé la question, m’avaient donné une réponse un peu vague : « C’était un franco-libanais qui vivait à Paris... » ou « C’est un Libanais, ami de Polnareff... » Je me suis souvenu d’un certain Cyril Azzam dont j’associais le nom aux premières tentatives de musique pop en France...

Direction le site de la SACEM et la base de données de son catalogue, partiellement disponible au simple visiteur : Catel. Je tape un titre, Praying, postulant qu’il n’y en aurait pas beaucoup. Une seule réponse s’affiche, la bonne, la chanson est bien signée Cyril Azzam. Retour sur Google. Après quelques approximations, j’ai la bonne réponse : Cyril Azzam vit en Suisse où il possède un studio d’enregistrement.

Premier mail pour établir le contact. C’est bien lui et il se souvient parfaitement du film et d’un détail « fondamental » : « Je portais une veste de velours côtelé bleu électrique ! » Après échange de mails, on convient d’un entretien téléphonique. En voici l’essentiel.

C’est grâce à Norbert Saada que Cyril Azzam – Libanais débarqué à Paris au début des années 60 et « vague cousin » de Bob « Mustapha » Azzam – se retrouve embarqué dans l’aventure du film Les Jeunes Loups. « À l’époque, je jouais souvent le soir dans les boîtes de Saint-Germain avec des groupes, et notamment avec The Krew, la formation d’Eddie Sparrow que l’on voit dans le film. Je les connaissais très bien et ils m’invitaient à venir chanter avec eux en “guest“. Je faisais souvent le bœuf avec eux car j’avais mon propre groupe qui s’appelait Les Ci-Devant. Norbert m’a demandé de faire deux chansons pour le film, l’essentiel de la bande originale étant composé par Jack Arel. »

« Fan absolu » de rhythm and blues, Cyril reprend le répertoire des grands de la soul du moment : Otis Redding, Wilson Pickett, Sam and Dave, Aretha Franklin, James Brown… Les morceaux qu’il compose possèdent le « punch » de ses idoles, notamment Praying (paroles de Tuesday Jackson, alias Nicole Croisille), un jerk dans la grande tradition soul qu’il interprète à plusieurs reprises dans le film.

En 1967-68, dans les boîtes de nuit parisiennes, la musique du moment est bien le rhythm and blues (c’est l’époque des 33 tours de la série « Formidable » et « Terrible » avec une face lente et une face rapide) que défendent des artistes français comme Vigon ou Alan Shelly, tous deux des potes de Cyril. « Pendant dix ans, je ne me suis pas couché avant cinq heures du matin ! »

Les scènes de boîte de nuit des Jeunes Loups sont tournées au Keur Samba, rue de Rennes. Cyril n’est pas sûr que l’établissement portait ce nom en 1967. « En tout cas, c’est la boîte où Nicoletta était vestiaire avant d’être chanteuse... Sur le tournage, j’étais terrorisé d’être filmé par une caméra de cinéma. Sur le play-back, j’essayais de donner le meilleur de moi-même. Heureusement qu’il y avait l’enregistrement derrière ! Ce qui m’a intéressé aussi en tournant ces séquences, c’était de voir comment se faisait un film... Et puis, je vous avoue que j’étais complètement fasciné par l’actrice Haydée Politoff ! Je n’osais pas l’approcher parce qu’elle était déjà une starlette mais je discutais beaucoup avec le “hippie” Yves Beneyton, que je trouvais très sympathique. »

Parallèlement aux Jeunes Loups, Cyril enregistre plusieurs disques chez Philips. Son premier EP, sorti en mai 1968 sous le nom de Cyril, est réalisé par Norbert Saada. Enregistrés à Londres (Studio Chapell) et à Paris (Studio 10), les quatre titres sont arrangés et orchestrés par Reg Guest. Quatre titres composés par Cyril (L'arrache-cœur) et parolés pour trois d'entre eux par Franck Gérald (Good night), par Ralph Bernet (Marilou) et par Vline Buggy (La vie) qui préface le disque : « Ce qui frappe chez ce garçon, c'est l'étonnante puissance, l'esprit de volonté mêlé d'un rien de charme. Un tout qui dégage une incontestable force, une présence qui sait convaincre. Il chante comme il vit, rapidement, de toute sa débordante jeunesse. Cyril nous livre son cœur avec instinct. C'est une bien grande qualité que la sincérité. »

Michel Polnareff

« Avant d’être connu, Michel Polnareff a habité chez moi. Par la suite, c’est moi qui ai habité chez lui… À l’époque où il était guitariste au Sacré-Cœur, nous étions toute le temps fourrés ensemble. J’étais là au démarrage de sa carrière, je connaissais ses chansons avant qu’elles ne deviennent des succès… Sur Il n’y a qu’un cheveu, je fais les chœurs… Michel, c’est une vieille camaraderie, même si ça fait trente ans qu’on ne s’est pas parlé. »

Pionnier de la musique pop en France

On peut considérer Cyril Azzam comme un des pionniers de la musique pop en France. En 1971, il compose la musique de Poor soul (paroles de Robert Rupen alias Alec Costandinos), chanson enregistrée par un certain Dimitri qui en fera un des slows de l’été. « C’est une chanson qui a très bien marché dans toute l’Europe et qui m’a rapporté beaucoup d’argent… »

L’année suivante, il assure la collaboration artistique du nouvel album de Jean-Pierre Castelain (« De mes yeux vu ») paru chez Warner Bros France, album dont il compose ou écrit une bonne moitié des chansons (J’suis dans la pop music, Pour l’enfant kinnait, Émilie…).

En 1973, il compose la musique d’une chanson de Guy Marchand (Plein les bottes, les bottines et les boots) et il interprète le rôle du Général Kellerman dans l’opéra rock de Boublil et Schönberg, La Révolution Française. Deux ans plus tard, il interprète le rôle de Tom l’Irlandais dans Mayflower, la comédie musicale d’Éric Charden et Guy Bontempelli, produite par Charles Talar, à l’affiche au Théâtre de la Porte Saint-Martin.

La même année, il publie un album sous son nom, « A Rose for M… » (Cézame), onze chansons en anglais. Il écrit les paroles, Jean-Pierre Castelain (lead guitars) ou Robert Rupen composent les musiques.

Studio Shazam

À Genève, où Cyril s’est installé depuis 1980, son studio d’enregistrement, Shazam, spécialisé dans la pub et les films d’entreprises, est une référence en Suisse romande. Cyril Azzam y a composé des musiques de téléfilms, des spots publicitaires internationaux...

Mais la musique n’est pas laissée pour compte. Sur son label, Shazam, après avoir produit sa propre fille, Noor, Cyril s’occupe actuellement de Simon Gad, un garçon qui s’est distingué dans l’émission télévisée Nouvelle Star. « Ensemble, on a décidé de se sortir d’une musique trop variété et de ce genre de concours et on a fait un très bel album, on a déjà un single qui va sortir en Suisse Romande. J’espère que cela va se faire aussi à Paris car tout le monde s’intéresse à lui. »

Disques sous pseudo

« J’ai fait plein de singles en anglais dans les années 90 dont un, Give me the tears of a woman, un slow qui s’est retrouvé numéro 2 des boîtes pendant quatorze semaines en 1994. Devant moi, il y avait Youssou N’Dour et Neneh Cherry avec leur fameux Seven seconds et les Pretenders... Ce disque était sorti sous le nom de Shazam, comme le studio et s’est retrouvé sur plein de compils. Je suis toujours un amoureux de la musique et l’argent gagné grâce à la pub me permet de pouvoir le consacrer à autre chose. »

Propos recueillis par téléphone par Raoul Bellaïche, le 4 avril 2007.

 

Un site français dédié à Otis Redding, créé par Jean-Paul Pécréaux, recense aussi tous les 33 tours des séries « Formidable » et « Terrible ». Cliquez sur le logo !

 

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