À propos de l’immortel Itsy Bitsy, petit bikini (créé aux États-Unis par Brian Hyland), Richard Anthony écrit dans son autobiographie Il faut croire aux étoiles... (Michel Lafon, 1994) : « Une belle ânerie ! On le voit souvent maintenant à la télévision car j’ai fait bien peu de scopitones, mais la chanson n’a pas été un réel succès sur le moment. (...) On nous disait d’interpréter cette chanson, on était jeune, on le faisait, ce qui ne nous empêchait pas de chanter par ailleurs ce que nous aimions vraiment. Les nymphettes qui se dandinaient sur une plage reconstituée en studio étaient celles du groupe Swingle Singers, mes choristes pour les enregistrements. Des chanteuses de jazz exceptionnelles où l’on trouvait des filles comme Mimi Perrin et Christiane Legrand, la sœur de Michel. (...) C’est dire que l’on ne prenait absolument pas cette chansonnette au sérieux, mais on s’amusait beaucoup sur ce plateau. »
Nouvelle vague
Itsy Bitsy... se retrouve sur le CD « Nouvelle vague » qui réédite le premier 25 cm de Richard Anthony de 1960 ainsi que 14 titres bonus : ses deux premiers super 45 tours parus en 1958 et 1959 (deux EP très rares), des titres complémentaires de la même époque et deux inédits en anglais. À trois exceptions près (Clémentine, joli titre jazzy signé Rolf Marbot, Pierre Delanoë, Francis Blanche et Eddie Barclay, Mon amour et toi et Karting rock), Richard ne chante que des adaptations. Répertoire rock and roll (Peggy Sue, Move it), rhythm and blues (Nouvelle vague, Personality), crooner et variétés (J’ai rêvé, Tu m’étais destinée, Le petit clown de ton cœur ou la très jolie ballade La rue des cœurs perdus).
Ce monde
C’est en 1964 que paraît le cinquième « grand disque » de Richard Anthony. À ce moment, Richard enregistre à Londres, où il est accompagné par le chef d’orchestre Ivor Raymonde. Le CD « Ce monde » réédite l’intégralité de ce 30 cm, trois titres de 1965 et huit inédits (essentiellement des versions espagnoles, italiennes de ses succès). L’époque étant encore aux adaptations, on ne trouve ici qu’une seule chanson originale signée André Salvet et Jean-Pierre Bourtayre (Ne me dis pas). Les 22 autres titres reprennent le répertoire des Beatles (La corde au cou), des Rolling Stones (Puisque je pense encore à toi), de Dusty Springfield ou des succès signés King-Goffin, Pomus-Shuman, Holland-Dozier... Bon chanteur, Anthony est plus convaincant dans la reprise de slows italiens mélodiques comme Ce monde d’Umberto Bindi (également enregistré en italien), dans Souviens-toi (de l’été dernier) ou Je ne dirai rien. Touche à tout, il s’aventure aussi dans les thèmes de films américains (Blanche-Neige) et les comédies musicales de Hammerstein et Rodgers (Carousel).
À Londres
À London, chantait Pétula Clark en 1961. Et c’est à « London », en 1965, que Richard Anthony enregistre un 33 tours en anglais, destiné au marché anglo-saxon. Parmi les douze titres de cet album intégralement réédité ici, des classiques de la variété américaine (I who have nothing, You’ve lost that lovin’ feelin’, Love letters in the sand, Crying in the rain des Everly Brothers, déjà adapté sous le titre J’irais pleurer sous la pluie), des standards de jazz comme The girl from Ipanema ou Take five (déjà enregistrée en 1962 en v. f. sous le titre Ne boude pas) et des adaptations anglaises de grandes chansons françaises : Autumn leaves (Les feuilles mortes), What now my love (Et maintenant)...
Sur les treize autres titres de ce CD, on trouve... douze inédits ! Entre autres, Aranjuez mon amour et Ce monde en anglais, le fameux Bluesette de l’harmoniciste belge Toots Thielemans et deux curiosités : les versions anglaises des Marionnettes de Christophe et de La nuit d’Adamo. Plus une adaptation en anglais d’un titre de Vidalin et Datin (You and me) déjà enregistré par Richard Anthony en 1961.
Hello, Pussycat
« Hello Pussycat » réédite son septième album, également paru en 1965, et onze titres en bonus, dont quatre inédits. Pas de tubes incontestables (sinon peut-être Hello, Pussycat), mais quelques succès. Couleur bossa nova, il y a How insensitive de Carlos Jobim (enregistré par Sinatra) et Quand tu m’as parlé. Doué pour les mélodies langoureuses, Anthony enregistre en 1965 deux slows italiens à vocation internationale : Le monde (Il mondo de Jimmy Fontana, adaptation de Jacques Chaumelle) et Io che non vivo senza te (Jamais je ne vivrai sans toi, adaptation de Michel Jourdan). Côté folk : la version française de Catch the wind de Donovan (Autant chercher à retenir le vent). Dans le genre « protest song », il y a aussi Quand on choisit la liberté. Mais le titre qui tient le plus la route de ce disque est sans conteste Je me suis souvent demandé, une création signée Fernand Bonifay, chanson « engagée », « philosophique » qui s’élève, par la voix d’un Candide, contre toutes les injustices du moment (toujours d’actualité, d’ailleurs...). Sobrement arrangée (Ivor Raymonde et Jacques Denjean), Anthony l’a aussi enregistrée en italien.
La terre promise
« La terre promise » réédite l’album de 1966 et douze bonus de la même époque (dont trois inédits). Accompagné par Harry Robinson, l’orchestrateur anglais de Gainsbourg sur La Javanaise, Anthony a adapté les gros succès pop, folk ou soul de l’année : Lundi, lundi, La terre promise (Mamas and Papas), La voix du silence, Un autographe SVP (Simon and Garfunkel), Baby, Fille sauvage (Stones), Rien pour faire une chanson (Beatles, où Jacques Chaumelle, l’adaptateur, cite astucieusement des titres de chansons d’Anthony), Le soleil ne brille plus (Walkers Brothers), Sur notre plage (Manfred Mann), Sunny (Bobby Hebb)... Et un standard (Un matin). Un hit-parade de l’année à lui tout seul ! À la suite de Peter, Paul and Mary et des Sunlights, Richard Anthony reprend aussi Le Déserteur de Boris Vian (reprise qui provoquera l’ire de Jean Ferrat avec Pauvre Boris...). Côté création, il y a Mes amis (texte d’Anthony), La bourse et la vie, bande originale du film homonyme de Jean-Pierre Mocky, titre enlevé signé Françoise Dorin et Bernard Kesslair, Nous ne sortirons qu’au printemps (de Rivat et Thomas) et une belle et méconnue chanson d’Adamo enregistrée trois ans avant son auteur : Et après.
Aranjuez mon amour
« Aranjuez mon amour » réédite l’album de 1968 et onze titres bonus dont un inédit (la version Richard Anthony de Quelque chose en moi tient mon cœur connue par Herbert Léonard). En cette fin des années 60, le temps des adaptations anarchiques est révolu et l’époque semble baigner dans une sorte de romantisme flamboyant... Quelques unes des adaptations ont été des succès : Il faut croire aux étoiles (des Flower Pot Men, le second hymne hippie après San Francisco), Les mains dans les poches, McArthur Park (créée par Richard Harris)... Le reste est purement « chanson française », piano, cordes, chœurs aériens, tempo lent, mélodie et prosodie classiques, thèmes ambitieux (Un homme en enfer, Plante un arbre)...
L’ambiance romantique qui parcourt la plupart de ces chansons est symbolisée par Aranjuez mon amour, l’adaptation (signée Guy Bontempelli) du Concerto de Rodrigo – à l’origine, peut-être, de la vogue des adaptations de mélodies classiques comme Rain and tears... Dans son autobiographie, Richard Anthony rappelle les circonstances de la création de cette chanson. Sachant que le compositeur refusait catégoriquement que l’on tronque son œuvre, Anthony prit le risque d’en faire une chanson et mit le Maître devant le fait accompli... Mais tout s’arrangea et Aranjuez fut un grand succès dans le monde entier dans sa version française.
Concernant l’adaptation, Richard apporte une intéressante précision : « Bontempelli faisait allusion à la guerre d’Espagne. Sur les murs, les taches de sang évoquent le massacre des socialistes par les franquistes... Moi, je ne savais pas que je chantais un texte politique ! Je m’en suis aperçu plus tard, lorsque je dus me produire devant un ministre plutôt situé à droite. On m’a demandé de supprimer cette chanson de mon spectacle. : “Elle pourrait choquer, n’est-ce pas ?” C’est alors que j’ai compris ! Je n’ai donc pas chanté cet Aranjuez si subversif... À la place, j’ai balancé Le Déserteur. »
Romantique, aussi, la chanson du film Le grand Meaulnes (texte de Louis Amade) ou L’été, un autre titre de Bontempelli. En 1967-68, Anthony s’entoure des bons auteurs et compositeurs du moment : Christine Fontane (Pour toi qui dors), Vline Buggy (Ces deux-là, Ce n’est pas ce qui est beau) Pierre Delanoë et Jean-Pierre Bourtayre (Je n’aime pas le bruit), Michel Delancray, Mya Simille et Jimmy Walter (Mon amour de la nuit), Jean-Michel Rivat, Frank Thomas et Jacques Revaux (Si chaque soir meurt une rose), Roger Dumas et Jean-Jacques Debout (Petite Anglaise)... À signaler aussi une belle adaptation d’une chanson espagnole : Poème d’amour.
Le sirop typhon
Voici l’avant-dernier 30 cm de Richard Anthony enregistré en 1969 pour Pathé Marconi. Il renferme un « gros » tube, une marche « beauf », Le sirop typhon, adapté d’un air anglais (Lily the Pink), qui préfigure l’inoubliable Ra-ta-ta d’Antoine... Les autres titres de cet album constituent de nouveaux enregistrements de certaines chansons de Richard Anthony : J’irai pleurer sous la pluie, Ne boude pas, La fille d’Ipanema, I who have nothing... En 1969, Anthony enregistra aussi la v. f. de Strangers in the night (connue en Français par Ricardo et par Hervé Vilard en 1966), Les feuilles mortes (dont il avait précédemment gravé la version anglaise), Maria, le thème de West side Story... Mode rétro oblige (Plana, Lantier, Mouloudji), il enregistre une jolie version des Petits pavés de Vaucaire et Delmet. Il y a aussi la belle chanson de Fugain, Daisy, émouvant portrait d’une jeune veuve, et En suivant l’étoile, l’adaptation par Eddy Marnay d’un succès espagnol des Sandpipers (Cuando sali de Cuba), également repris par Philippe Clay (RCA) et Téréza (Columbia).
R. B.
• 7 CD Magic Records / EMI. À signaler que la couverture intérieure de chaque CD reproduit les pochettes originales avec un texte de présentation de Martial Martinay.
• Richard Anthony : Il faut croire aux étoiles... Autobiographie, Michel Lafon, 1994.