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Chelon que vous serez puissant ou misérable...


Même si l'on cite volontiers quelques chansons marquantes de son répertoire des années 60 (Père prodigue, Sampa...), Georges Chelon (né en 1943) fait toujours figure d'oublié lorsqu'on évoque les sixties, et les compilations des succès de cette décennie persistent à l'ignorer... Chelon n'est pas mieux loti du côté des défenseurs de la « chanson à texte » : on le trouve léger, pas « engagé », voire « pas assez de gauche »...

Et pourtant ! Tout comme Adamo, dont on semble s'étonner qu'il soit aussi un auteur concerné par les affaires du monde, lorsqu'on découvre des chansons comme Que voulez-vous que je vous chante ? (Olympia 1971), Manuel (1975) ou Mon douloureux Orient (2003), le répertoire de Georges Chelon – 50 ans de métier, une quarantaine d'albums, plusieurs centaines de chansons – mérite largement d'être (re)découvert. « Je ne suis pas standard. Je n'ai pas le son de maintenant et je n'ai pas non plus le son d'avant », nous avouait-il, mi-amusé, mi agacé, il y a quelques années.

Fidèle à sa maison de disques – EPM – depuis la fin des années 80, Chelon, imperturbable aux modes, sort un album quasiment tous les ans, des disques hélas ignorés avec une belle constance par les médias nationaux (n'est-ce pas, France Inter ?).

Le monde a peur

En 2011, quelques jours à peine après l'attentat de New York, la une du Parisien du 12 septembre (« Le monde a peur ») lui inspire une chanson – de la même intensité que Nuit et brouillard – dont on aurait pu penser qu'elle lui ouvrirait les portes des studios de radio et de télévision. Mais non... Un texte fort, pourtant, sur une mélodie inspirée, qui prend acte de l'effroi provoqué par l'effondrement des Twin Towers. 

Au milieu d'autres titres que l'on aurait autrefois qualifiés d' « engagés » – Tant et tant, Comme des vitrines, Alerte citoyens –, Le monde a peur se retrouve au milieu d'un album sobrement intitulé « Lettres ouvertes ». C'est dans sa nature, Chelon ne donne pas de la voix, n'adopte pas de posture rebelle... « Je ne parviens pas à crier..., avoue-t-il à Serge Dillaz dans le magazine Chorus en 2003. Alors, j'ai préféré la formule de la lettre ouverte à celle du brûlot ou du réquisitoire. Voilà pour la forme. Quant au fond, il suffit d'ouvrir le journal, d'allumer la radio [...] À une autre étape de ma vie, j'aurais tempêté dans mon coin, je n'aurais même pas écrit une seule ligne... Mais arrive inéluctablement un moment de ras-le-bol... »

Couplet après couplet, l'auteur s'interroge sur ce terrorisme d'un type nouveau : « Va dire à ce pouvoir qui interdit de rire / Et aux enfants de faire voler les cerfs-volants / Qu'il n'y a pas que Dieu qui nous aide à mourir / Que le mot Liberté peut le faire tout autant... » Il nous interpelle aussi, nous, habitants du monde dit libre : « Quant à vous, il est temps de savoir que des hommes / Habitent aussi la terre sur laquelle vous vivez / Ils sont beaux, ils sont laids, pareils à vous, en somme / Des hommes, que des hommes, et non pas des jouets ». Avant de conclure par un message d'espoir : « Il faut les reconstruire avec beaucoup d'amour / Ces tours / Si l'on ne veut pas qu'elles / Soient des tours de Babel... »

La Belle Endormie (Charlie)

Quatorze ans plus tard, après le massacre de l'équipe de Charlie Hebdo, Chelon réagit une nouvelle fois au quart de tour. « Paris, le 7 janvier 2015, j'ai pris ma guitare et les mots sont venus tout seuls.  Je vous les livre avec quelques autres qui sont nés d'événements parfois douloureux ou de pensées tout simplement moroses. »

Ce nouveau titre, La Belle Endormie (Charlie), figure avec quinze autres chansons écrites entre 1973 (Raconte-nous le temps, sur l'album « Ouvrez les portes de la vie ») et 2014 (J'ai peur) et qui témoignent toutes de ses préoccupations écologiques avant l'heure et de ses engagements humain et citoyen : Allons enfants, L'Enfant du Liban, La vague noire, Requiem pour les animaux (qui fait froid dans le dos), Le Pouvoir... Les mêmes inquiétudes face aux guerres incessantes (On se bat) ou au conflit du Proche-Orient (Monsieur) se retrouvent sur l'album « Au pays de Millet ».

Fataliste, Chelon admet que pour les médias, « il y a bien longtemps que j'ai cessé d'exister. » Chelon n'a pas de major derrière lui, il n'est pas « bankable », il n'a pas « la carte » de ceux qui ont table ouverte dans les radios et les télévisions... Bref, comme aurait pu dire La Fontaine, Chelon que vous serez puissant ou misérable... Raison de plus pour continuer à l'écouter et chercher à le faire connaître au-delà des cercles d'initiés.

• La Belle Endormie (EPM)

• Dans la cour de l'école (EPM)

• Au pays de Millet (EPM)

Georges Chelon chante La Belle Endormie (Charlie)

Version acoustique inédite

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