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Chez Popoff, rendez-vous obligé des premiers beatniks

Cet établissement situé rue de la Huchette, en plein Saint-Michel, a été, dans les années 60, le rendez-vous obligé des premiers beatniks et des routards. Il a été immortalisé, le temps d'une séquence, par Marcel Carné dans son film Les Jeunes Loups sorti en avril 1968.

Après la boîte de nuit « La Cage » (en réalité le Keur Samba, rue de Rennes), où se déroulent plusieurs scènes du film, deux courtes séquences sont filmées Chez Castel, la discothèque chic de la rue Princesse. On y entend le slow Dawn comes alone chanté par Nicole Croisille.

Une autre séquence nous fait découvrir le café « Chez Popov » où se retrouvent les beatniks, point de chute du « marginal » Chris, interprété par Yves Beneyton. Cet établissement situé rue de la Huchette, en plein Saint-Michel, a été, dans les années 60, le rendez-vous obligé des premiers beatniks et des routards.

Le découpage du film publié dans L’Avant-Scène (n° 81) en donne cette description : « Panoramique sur la salle crasseuse du café, où grouille une humanité hirsute et mal lavée. Une épaisse fumée broie les corps et les visages des beatniks qui boivent, discutent ou chantonnent au son de la guitare discrète et dans le brouhaha. »

Sur le blog « Arcane 17 », l’auteur, anonyme, apporte quelques détails sur l’emploi du temps d’un habitué du quartier : « Trentenaire, il y venait pour écouter les beatniks gratouiller leur sèche, entonner avec eux Brand new Cadillac ou Whole lotta shaking going on, œillader les lycéennes, en palotter une ou deux, avant d’aller siffler un ballon de Côtes à vingt-cinq centimes chez Popoff, bois-charbon, rue de la Huchette – aujourd’hui réincarné en sandwicheur grec. »

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À la vue de la photo de l’enseigne de l’établissement, on pourrait penser à une reconstitution en studio, mais le découpage publié dans L’Avant-Scène précise bien qu’il s’agit de « décor naturel ».

Ce café, situé rue de la Huchette, au cœur du quartier Saint-Michel, a bien existé. En témoignent quelques rares allusions glanées ici ou là.

Antoine, dans sa nouvelle autobiographie, Oh yeah !, parue en mars 2007 aux éditions Arthaud, y consacre quelques lignes : « Au Quartier latin, du côté de la rue de la Huchette, les beatniks venus de toute l’Europe se rassemblaient dans quelques lieux mythiques comme le petit café Chez Popoff; ils y passaient de longues soirées à refaire le monde; leur présence un peu trop visible avait déjà commencé à énerver les forces de l’ordre qui faisaient de temps en temps une descente dans le quartier pour des “vérifications d’identité” parfois musclées. »

L’écrivain Jean-Paul Bourre y fait juste une allusion : « Au Palladium, en 1965, on djerkait, sur des mélanges de rock, pop et soul. On était payés en bières et en sandwichs pour lancer la spirale de dinguerie, estampillés authentiques beatniks de Chez Popov. On pouvait fumer du shit. L'odeur n'intriguait encore personne en dehors des flics et des fumeurs du quartier. Sur la scène officiaient les prophètes de ces nuits magiques : Vigon, Rocky, Roberts et ses Airdales. Après trois bières et deux joints, je montais sur scène avec les autres, jouer les choristes muets, les mimes Marceau de la défonce, corps désarticulés par la musique, la transe et danse d'indiens... »

Bernard Bacos, sur le site « Paris 70 » : « Saint-Germain-des-Prés était le quartier qui fascinait : une simple adresse de boum là-bas faisait se déplacer toutes les bandes des beaux quartiers. Le mythe de l'existentialisme des années 50 était encore bien vivant, et celui des beatniks commençait au square du Vert Galant et Chez Popov rue de la Huchette. » [cliquer sur la photo pour accéder au site Paris 70]

« On commença à voir plus de beatniks à Paris vers 1965, ils se retrouvaient au square du Vert Galant, au bout de l'ile de la Cité, ou Chez Popov, le bar légendaire de la rue de la Huchette, tenu par un couple de vieux russes exilés, où certains pouvaient même passer la nuit dans l'arrière-salle dans leurs sacs de couchage, au son des premiers Dylan, avec dans la poche On the Road de Jack Kerouac.

Parmi les premiers beatniks, il y avait le Baron de Lima, étrange personnage, habillé de cuir noir, une bague à chaque doigt, qui avait le chic pour être toujours là où "ça se passait", au moins en matière d'événements musicaux. Il semblait avoir le don d'ubiquité. Il distribuait à sa "cour" (il était toujours très entouré) des cartes d'"Homme libre" au titre d'une obscure obédience maçonnique. Il appelait les gens "mon frère". Il était aussi - il y a prescription ! - pourvoyeur en substances toxiques qu'il appelait les "tickets de métro". Il fut aussi le créateur de bijous réalisés avec des fourchettes.

Il était en rivalité pour le "leadership" sur les beatniks de Paris avec Mouna Aguigui (André Dupont), vieil anarchiste à vélo et personnage incontournable de la rue parisienne qui nous a quittés en 1999.

Parmi ceux qui fréquentaient "Chez Popoff", il y avait aussi Jean-Paul Bourre ou Philippe Bone.

Un des hauts-lieux de la "Beat Generation" était la légendaire librairie Shakespeare et Company, fondée par Sylvia Beach et Walt Whitman, qui est tenue maintenant par son petit-fils, Georges Whitman, rue de la Bûcherie, en face de Notre Dame, un lieu chargé de poésie. Certains routards américains y passaient la nuit, c'est encore le cas aujourd'hui. »

Rendez-vous Chez Popoff, une chanson d’Elsa

Fin 1966 ou début 1967, paraît chez Mercury le troisième 45 tours de la jeune chanteuse Elsa (son patronyme complet est Elsa Darde). Parmi les quatre titres, on trouve cette chanson qui immortalise le lieu : Rendez-vous Chez Popoff. Un jerk « anglais » comme on en faisait dans ces années-là :

Elsa chante Rendez-vous chez Popoff

Rendez-vous Chez Popoff

C'est le seul endroit où l'on est bien

Pas besoin d'habits neufs

Ne crains rien...

Tu verras Chez Popoff

Aucun ne te dévisagera

On peut tous venir sauf

Les bourgeois...

Dans la fumée tu trouveras bien un coin

Pour t'installer et parler jusqu'au matin

Des choses auxquelles tu tiens

Rendez-vous Chez Popoff

Et si tu n'as rien dans l'estomac

Tu dîneras d'un œuf

Comme moi...

Tu verras Chez Popoff

Mes amis sont souvent étrangers

Ils n'ont rien mais ils donnent

L'amitié...

Dans la fumée tu trouveras bien un coin

Pour t'installer et parler jusqu'au matin

Des choses auxquelles tu tiens

Rendez-vous Chez Popoff

Autour d'un café on oubliera

Les histoires et le bluff

Et les lois...

Tu verras Chez Popoff

Chacun fait ce qu'il veut de sa vie

Peintre ou bien philosophe

Tu choisis...

(Elsa Darde - Claude Mevel)

Les arrangements sont de Willy Lewis et la photo de Tony Frank.

Super 45 tours Mercury 152 079.

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